Manger des pommes !

Maurice Chevalier chantait « ma pomme, c’est moi et j’suis plus heureux qu’un roi ». Il y a de quoi l’être car dans le monde de la cosmétique, la pomme occupe une place tout à fait particulière qui ne cesse d’étonner.

Le terme « pommade » trouve son origine dans le mot latin « pomum », qui signifie « fruit ». L’utilisation du mot « pommade » remonte à l’époque romaine, où elle désignait une préparation à base de fruits ou de plantes médicinales mélangées à de la graisse ou de l’huile. Le mot pommade se retrouve ensuite dans l’italien du Nord pomada (en italien : pomota), attesté depuis la seconde moitié du XVe siècle et dérivé de pomo (« pomme ») parce que les anciennes pommades, qui ont progressivement remplacé les cérats ou les onguents, étaient aromatisées à la pomme. Au fil du temps, le terme « pommade » a évolué pour désigner spécifiquement une préparation semi-solide utilisée pour les soins de la peau ou pour soulager certains problèmes dermatologiques.

L’intérêt des extraits de pomme va continuer au fil du temps, sous différentes formes. La pomme est cité dans plusieurs « recettes » de beauté comme celle d’Hildegard de Bingen dans son ouvrage Physica ou le livre des subtilités des créatures divines. L’utilisation de sucs de pommes, de pulpes ou de pectine de pommes est mentionné au début du XIXe siècle dans des manuels de formulation tels que « les Nouveaux éléments de Pharmacie » publié en 1900. Cerbelaud l’évoque également dans quelques applications. Puis ces extraits vont progressivement diminuer pour pratiquement disparaître des formulaires modernes.

Quelques utilisations resteront d’actualité ou réapparaîtront. C’est par exemple le cas de spécialités autour d’huiles de pépins. Il est possible d’obtenir une huile intéressante à partir des pépins de pomme. Les huiles de pépins sont des huiles végétales extraites des pépins. Elles sont riches en acides gras essentiels, en vitamine E et surtout en polyphénols, ce qui en fait des huiles hydratantes et protectrices pour la peau, en plus des propriétés antioxydantes. Elles permettent aussi de récupérer certaines propriétés des polyphénols. L’huile de pépins de pomme a été utilisée par des marques de référence comme Gatineau (Feminesessence) ou Sisley (Sisleya) et probablement quelques autres. Plusieurs fabricants proposent des qualités tout à fait intéressantes, obtenues soit par première pression (huile vierge) ou par des techniques d’extraction modernes.

En voici un exemple.

Acides :

L’émergence du concept des acides de fruits dans le courant des années 90 va réactualiser l’intérêt des extraits de pomme dont on tire l’acide malique et qui est une de ses substances actives. Ce sont des acides hydroxylés en position alpha, solubles, qui présentent des propriétés kératolytiques intéressantes. Ils sont souvent décrit sous le vocable de AHA. De nombreuses spécialités commerciales sont réalisés à partir de ce type d’ingrédients (85 à date dans la Base Cosmetikwatch).

Vinaigres :

Longtemps oublié ou ignoré, les vinaigres sont redevenus des ingrédients cochant pratiquement toutes les cases de la modernité. Rappelons pour mémoire cette citation : À plus de quatre-vingts ans, elle avait encore une prestance agréable et, ce qui m’avait toujours frappé et surpris, un cou parfait, sans une ride. Le devait-elle aux vertus du vinaigre de Bully dont elle faisait usage ? — (Édouard Bled, « Mes écoles », Robert Laffont, 1977, page 105.).

Le vinaigre de cidre est un ingrédient naturel et polyvalent qui peut être utilisé dans les soins de la peau et des cheveux. Il était classiquement utilisé dans différents cas :

• Tonique pour le visage : Le vinaigre de cidre peut être utilisé comme tonique pour le visage. Il aide à équilibrer le pH de la peau, à réduire l’apparence des pores et à éliminer les impuretés.
• Traitement contre les pellicules : Le vinaigre de cidre peut aider à traiter les pellicules en raison de ses propriétés antifongiques. Il peut être utilisé comme rinçage capillaire après le shampooing pour aider à éliminer les pellicules et à apaiser le cuir chevelu.
• Soin des pieds : Le vinaigre de cidre peut être utilisé pour adoucir les pieds secs et rugueux. Il suffit de tremper les pieds dans une solution d’eau chaude et de vinaigre pendant 15 à 20 minutes, puis de rincer et d’hydrater.
• Traitement contre l’acné : Le vinaigre de cidre peut aider à traiter l’acné en raison de ses propriétés antibactériennes. Il peut être utilisé comme tonique pour le visage ou comme traitement localisé sur les boutons

Ces différentes propriétés sont liées à la composition de ce vinaigre et en particulier à la présence d’acides organiques. Son utilisation avait pratiquement disparu totalement des formulaires, mais depuis quelques temps on b voit de nouveau sur le marché des produits à base de vinaigre. On peut citer le Vinaigre micellaire de Cottan, les vinaigres de Bully ou encore sous la marque Roger Gallet (Aura mirabilis).

Cellules souches :

Une autre utilisation un peu inattendue des pommes est apparue au début des années 2000. Il s’agit du concept d’extraits de cellules souches végétales. Le concept de cellules souches est apparu a cette époque dans l’industrie cosmétique, mais sans pour autant trouver rapidement d’application logique et légitime. Il faudra attendre quelques années pour que ce concept se généralise petit à petit. Son utilisation a été rendue possible par plusieurs facteurs, mais en particulier par l’apparition d’une technologie que certains ont appelée PSCT, pour Plant Stem Cells Technology. Dans cette approche, l’idée consiste à utiliser des cellules souches issues de végétaux, des extraits de méristèmes ou autres, en vue de produire des principes actifs destinés à maintenir, entretenir ou corriger certains aspects de la physiologie cutanée.
Cette technologie était déjà connue, mais sans pour autant avoir été formalisée de façon aussi précise, l’utilisation par exemple des extraits de bourgeons en était une pratique très ancienne. Il n’est bien évidemment pas question de favoriser la différenciation sous quelque forme que ce soit, mais plutôt d’obtenir des solutions biologiquement actives. Les progrès de la technologie, et une meilleure connaissance, permettront petit à petit de préciser ces concepts jusqu’à ce qu’ils deviennent une pratique assez courante dans les approches en cours. On dénombre à ce jour de très nombreux extraits de ce genre. L’une des sociétés pionnières de ces technologies, Mibelle Biochemistry, a développé les premiers extraits présentés comme telle et en particulier le PhytoCellTec™ Malus Domestica. Cet extrait est obtenu à partir de cellules souches de pommes. Cette spécialité deviendra le chef de file de nombreuses autres spécialités issues de divers végétaux. Mais la pomme en restera le précurseur. Pour en savoir plus

Les Co-produits : la nouvelle mode.

Dans le cadre de travaux de valorisation de coproduits alimentaires, un groupe de chercheurs (AgroParisTech) a mis au point un procédé original permettant d’obtenir à partir de produits simples issus de co-produits alimentaires, des spécialités émulsionnantes permettant d’obtenir des émulsions de Pickering stables. Ces travaux menés entre autres sur la pomme ont conduit à la mise au point de produits très intéressants, issus de la pomme. Ils ont aboutis à des spécialités intéressantes qui sont présentées dans ce document Vitacel CS 5 Apple

Un travail de valorisation de cette approche a été proposé par JRS et Herbarom dont vous trouverez les spécificités dans ce document. Apple Line Herbarom JRS

Mais aussi un actif pour s’opposer au vieillissement cutané.

Il s’agit sans aucun doute du dernier projet de valorisation de la pomme (2023). Il suit une logique originale et innovante. Partant du principe que des récepteurs de l’amertume a été identifié au niveau de la peau, et que l’activation de ceux-ci peut avoir un effet directement sur la physiologie cutanée, en particulier en corrigeant des processus liés au vieillissement des kératinocytes, Codif à rechercher des extraits riches en polyphénols pouvant interférer avec ce processus. C’est au niveau de la pomme le choix s’est porté, plus spécifiquement la variété Marie Menard, récolté en Bretagne. En partant du marc de pomme, résultant du pressage, classiquement utilisé dans l’industrie des pectines ou l’alimentation animale, celui-ci est séché, puis extrait par un procédé doux. On obtient un extrait hydrosoluble contenant de l’acide malique titrant de 100 à 400ppM, des polyphénols titrant de 0,3 à 1,3g/l et quelques autres substances de moindre intérêt. L’extrait est certifié bio.

Différentes études ont montré que cet extrait augmente et active les récepteurs de l’amertume, et de ce fait agit sur la sénescence cellulaire tout en réactivant la différenciation des kératinocytes, ce qui stimule le processus de régénération épidermique. Le résultat on est une amélioration du processus naturel de desquamation. Pour conforter ses résultats, une étude a été menée à l’aide d’une technologie assez particulière, la tribologie, qui consiste à enregistrer le bruit de surface en frottement. L’amélioration de la surface cutanée devrait réduire et donc améliorer les bruits résultant du frottement. C’est ce qui a été observé. L’amélioration de la douceur de la peau significative. Par ailleurs les propriétés plus générales des polyphénols se retrouvent au niveau de l’amélioration de l’éclat du teint. Les détails sont décrits dans ce document REGETASTE-FR.

L’intérêt multiple et varié associé à la pomme a suscité la création d’une spécialité dénommée Pomothérapie. Il lui reste toutefois à acquérir ses lettres de noblesse, mais tout comme la valorisation d’autres filières, celle-ci propose des solutions originales.

Voilà brièvement présenté quelques idées autour de ce formidable fruit qu’est la pomme et qui, outre sa contribution assez fondamentale en ayant donné son nom à des produits cosmétiques, continue d’être un compagnon indispensable à ceux qui conçoivent de nouveaux produits.

Manger des pommes comme disait notre défunt Président de la République.

Jean Claude LE JOLIFF