Si, comme le suggérait Coco Chanel, un beau regard est celui de la tendresse, il n’en reste pas moins que de nombreuses femmes souhaitent avoir des cils fournis. L’histoire du mascara est parsemée d’histoires qui ont construit le produit petit à petit. Certains épisodes sont plus remarquables que d’autres. C’est ce que l’on vous raconte ici.
Si le Khôl est le plus ancien de ces produits, l’histoire du mascara « moderne » commence au début du XXème siècle avec 2 sagas amusantes.
- D’un côté celle d’Eugène Rimmel qui développe vers 1880 pour sa fille qui doit aller au bal, un cosmétique pour les cils à partir d’un distillat de pétrole, la vaseline. Ce sera un des tout premiers produits de cette famille. Il est passé à la postérité. Le nom du cosmétique rimmel est devenu synonyme avec la substance-même et se traduit encore aujourd’hui par « mascara » en italien (mascara veut dire « masque » dans cette langue, comparer à mascarade, d’origine aussi italienne), français, espagnol, néerlandais, turc, roumain, etc.
- En 1913, le chimiste Tom Lyle Williams et sa sœur, Maybel, mettent au point un mascara fait également de poussière de charbon mélangée à de la vaseline. On rapporte que cette démarche serait consécutive à un malheureux événement quand en 1914 Mademoiselle Mabel Williams aurait subi la perte de ses cils et sourcils à la suite d’une brûlure. Amoureuse et voulant cacher cette situation, pour tricher sur la perte de ces précieux poils, elle avait créé un produit à base de cendre de charbon ainsi que de la « gelée de pétrole », la vaseline pour les initiés, pour l’appliquer sur les zones désormais imberbes. Un truc qu’elle a apparemment « vu » dans « Photoplay » un magazine de l’époque. Williams appelle son produit Maybelline, combinaison du nom de sa sœur et de « vaseline ». En 1917, le même donne naissance au cake mascara, premier produit cosmétique moderne à usage quotidien. Une formule au noir de fumée structuré par un savon d’huile de noix de coco, et une gomme tragacanthe pour l’adhérence aux cils.
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C’est sous ces formes que le produit va se développer, principalement le cake à activer à l’eau. De nombreuses marques suivent cette approche. Il faudra attendre plusieurs décennies pour voir apparaître la forme moderne du mascara, le mascara automatique. Il n’a rien d’automatique puisqu’il ne fait rien tout seul, mais il est prêt à l’usage. Parmi les tous premiers applicateurs de mascara, celui breveté par la marque Helena Rubinstein en 1958 est tout à fait remarquable. Fabriqué par Schmidt und Niedermeier, une société spécialisée dans le travail du métal, il est considéré comme étant l’un des tous premiers dispositifs de ce genre. Formé d’un tube métallique, l’applicateur se présente sous la forme d’une tige en métal avec un simple filetage qui permet l’application, le tout trempant en permanence dans le produit.
En 1959, Maybelline lancera la première brosse à filaments torsadés, Magic Mascara. Puis en 1964, la marque américaine met sur le marché le premier mascara en tube destiné au grand public : l’Ultra Lash Mascara.

Pendant longtemps, ces dispositifs seront ceux autour desquels se développe le produit, les versions waterproof ou waterbased, les efforts étant principalement porté sur la forme du profil de la brosse. Il existera des brosses pour à peu près tout. Un ancien fabricant de carrosse deviendra même exclusivement fabricant de brosses de mascara ! Puis, dans le courant des années 2000 on assistera à un emballement des propositions avec toute une série de systèmes d’application : brosse, mais aussi peignes, applicateurs double, élastomères pour des brosses molles etc.
Puis il y eu l’inénarrable épisode des mascaras vibrants. En s’inspirant des rasoirs vibrants, quelques ingénieurs créatifs ont proposé le développement de mascara dont les vibrations devaient faciliter l’application. Tout commence par le rachat des piles Duracell par P&G avec la marque Gilette dans la corbeille de mariée. Or, Gillette possède des technologies propres sur les rasoirs vibrants. Aux alentours des années 2005, on assistera à une rafale de brevets sur des technologies concernant le développement de mascaras vibrants, préfigurant de futurs lancements sur ce segment. En 2008, alors qu’il ne se passait plus rien dans le domaine des brevets, ce segment va s’agiter fortement au travers de deux acteurs : le groupe Estée Lauder et L’Oréal. Ces deux sociétés vont introduire sur le marché de façon concomitante des produits concurrents. Les développements se feront sur la base de technologies issues du vibreur mis au point pour le téléphone portable. Les produits qui seront issus de ces développements arriveront sur le marché avec des difficultés techniques liées au fonctionnement, mais aussi une complexité inhabituelle de merchandising et de communication marketing. De même, un mascara rotatif sera proposé dans un premier temps au Canada en 2014, Spinlash™. Ce seront des échecs commerciaux, les produits disparaissant rapidement du marché.

Vous retrouverez la description de ce système dans ces contributions.
- https://cosmeticobs.com/fr/articles/packaging-39/le-monde-magique-des-applicateurs-de-mascara-partie-1-3442
- https://cosmeticobs.com/fr/articles/packaging-39/le-monde-magique-des-applicateurs-de-mascara-partie-2-3464
Au niveau de la formulation, pendant très longtemps une substance va occuper une place particulière dans ces familles de produits : l’huile de ricin. C’est un produit naturel populaire connu pour ses propriétés bénéfiques pour les cheveux, les cils et les sourcils. Elle est riche en acides gras et en vitamine E, ce qui en fait un excellent hydratant pour les phanères. Elle est décrite comme pouvant aider à renforcer les cheveux et à les rendre plus épais. Il est dit également que l’huile de ricin peut aider à stimuler la croissance des cils et à les rendre plus épais et plus longs et qu’elle peut également aider à « nourrir » les cils, ce qui peut les rendre plus forts et moins susceptibles de tomber. Plusieurs produits phare vont exploiter cette propriété et en particulier un produit commercial connu sous le nom de : RICIL™. Toutefois ces propriétés non jamais vraiment été démontrées. Mais la légende continue, une jeune marque vient de lancer en 2023 un sérum à cils avec de l’huile de ricin.
Une autre substance connue depuis fort longtemps dans le monde des produits capillaires sera également largement utilisée : le B-Panténol. Toutefois, il semble que ce soient ses propriétés organoleptiques, collant et visqueux qui soient plus à l’origine de son utilisation que ses réelles propriétés sur la croissance du cil. Haut du formulaireBas du formulaire
La fonction du produit d’épaissir les cils, voire de les allonger, va conduire assez rapidement à l’idée de rajouter des éléments ayant cette fonction. L’idée consiste à rajouter soit des filaments, soit des produits épaississants pour donner du volume. Parmi les tout premiers produits et très tôt, la Rayon trouvera son usage. Elle est encore utilisée de nos jours. Le Long Lash™ de Rubinstein, produit culte, contenait ce type d’additif. D’autres charges plus banales seront utilisées avec plus ou moins de succès. Une originalité a été un mascara d’Estée Lauder contenant un polymère « gonflant » au séchage !! Enfin la kératine sera utilisée sous différentes formes, soit un Hydrolysat de kératine comme dans Keracil™, quelquefois des éléments un peu plus sophistiqués comme la laine de mohair ou de cachemire du mascara proposé par Dior au milieu des années 90. Ces produits disparaîtront avec l’embargo sur les produits d’origine animale.


En termes de formulation, les choses ne changeront plus beaucoup jusqu’au début des années 2000. Dans un premier temps ce sera la chasse aux nitrosamines et la réglementation sur les alkanolamines qui conduira les principaux opérateurs à aménager les formules en conséquence. Il est toutefois curieux de constater encore de nos jours des rappels pour cause de contamination par Nitrosamines.
Puis on verra apparaître au milieu des années 2000, les revendications sur la stimulation de la pousse des cils, globalement appelé aujourd’hui « sérum cils ». Tout commence par une observation inattendue. Certaines substances pourraient dit-on stimuler la croissance de la frange ciliaire. Cette observation est faire lors du développement d’un médicament pour traiter le glaucome. La société à l’origine de cela est le laboratoire Allergan. Allergan a été fondée en 1948 par un pharmacien nommé Gavin Herbert. Au départ, la société se concentrait sur la fabrication de produits ophtalmiques, mais elle a ensuite élargi sa gamme de produits pour inclure des traitements dans divers domaines et en particulier la dermatologie avec le développement de l’effet botox. En 2001, Allergan a lancé un médicament appelé Lumigan™, utilisé pour traiter le glaucome, une maladie de l’œil qui peut entraîner une perte de vision. Les patients qui utilisaient Lumigan ont commencé à remarquer que leurs cils devenaient plus longs, plus épais et plus foncés. Allergan a donc entrepris des études pour déterminer si Lumigan pouvait être utilisé pour stimuler la croissance des cils de manière cosmétique. En 2008, la FDA (Food and Drug Administration) des États-Unis a approuvé l’utilisation de Lumigan sous le nom commercial de Latisse™ pour stimuler la croissance des cils chez les personnes ayant des cils trop courts, fins ou clairsemés. Le principe actif de Latisse est le bimatoprost. Il agit en abaissant la pression intraoculaire dans l’œil, ce qui peut réduire le risque de dommages au nerf optique. Cependant, lorsqu’il est appliqué directement, le bimatoprost a un effet secondaire bénéfique qui stimule la croissance des cils. L’hypothèse est que le bimatoprost prolonge la phase de croissance des cils et raccourcit la phase de repos. En conséquence, les cils ont plus de temps pour pousser et peuvent atteindre une longueur et une épaisseur plus importantes.
Compte tenu du rôle d’Allergan dans la mise en évidence de l’effet Botox, l’industrie va prêter une grande attention à cette avancée et très rapidement l’idée de proposer des mascara stimulant la pousse du cil va se développer. Toutefois, la même molécule ne pouvant pas être utilisé dans des produits cosmétiques, l’industrie se tournera vers une autre option, celle qui consiste à utiliser des produits développés pour des visées capillaires, soit comme régulateur de la pousse ou retardateur de la chute !!!!! On peut citer (Amore Pacific, YSL, HC HighTech Cosmetics Instant Lash Extender). Les mélanges d’ingrédients d’origine végétal vont souvent être la principale réponse. On assistera alors à un déferlement de mascara de ce type. La mode des peptides battant son plein, un peptide particulier stimulant la pousse du cil sera proposé vers la fin des années 2000. Baptisé Sympeptide 0921, il deviendra une substance de référence sous le nom de SymPeptideXlash™. INCI: Water (Aqua), Glycerin, Myristoyl Pentapeptide-17. Le fabricant est Symrise. Présenté quelquefois comme un analogue des prostaglandines, dont l’un des représentant est le bimatoprost, cet actif a montré son efficacité dans une série de test. La critique que l’on pourrait formuler est de savoir si les conditions de tests sont représentatives de celles de l’usage d’un mascara ? Est-ce donc à dire que cette efficacité est bonne en formulation de type mascara ? Son innocuité toutefois est bonne.
Depuis, les propositions fluctuent autour de ce thème, presque aussi souvent sous la forme d’un produit de maquillage que sous la forme d’un produit de soins qui sera appelé « Sérum Cils ». Beaucoup sont sur base de Peptides, souvent celui qui est décrit précédemment, mais pas exclusivement. Certaines marques n’hésitent pas à utiliser les grands moyens pour s’assurer de l’effet recherché, comme en atteste cette revendication : « The Multi-Peptide Lash and Brow Serum is a light, non-greasy formula designed to support thicker, fuller, and healthier-looking lashes and brows. By utilizing 11 active ingredients, including four peptide complexes and a series of natural extracts, this twice-daily serum works to help nourish and protect your lashes and brows while enhancing the look of density and overall appearance in as little as four weeks”. This formula contains SYMPEPTIDE XLASH® complex (with Myristoyl Pentapeptide-17), Anargy® complex (with Oligopeptide-2 and Glycoproteins), Widelash™ complex (with Biotinoyl Tripeptide-1 and Panthenol), REDENSYL™ complex (with Larix Europaea Wood Extract, Camellia Sinensis Leaf Extract, and Zinc Chloride), CAPIXYL™ complex (Acetyl Tetrapeptide-3 and Trifolium Pratense Flower Extract), and… Les preuves d’efficacité ne sont pas divulgués !!!!
Pour finir, une mention sur la stimulation mécanique. Bien que peu de produits ou de dispositifs n’aient été proposés dans ce sens, cette approche n’est toutefois pas à négliger. En effet tout comme la pousse de l’ongle est stimulée par des micros-traumatismes, on peut penser qu’il en est de même du Cil. Pour aller dans ce sens on rappellera la réutilisation du mascara vibrant développés par Lancôme qui a trouvé sa place dans le catalogue du Club des Créateurs de Beauté comme dispositif stimulant la pousse et l’épaisseur des cils, mais cette fois uniquement par l’effet de vibration et sans produit. Cette marque et les produits la composant ont disparus, sans relation toutefois avec cette histoire de cils !
Dans une application sensiblement différente, une marque va proposer un mascara très longue tenue, 72 heures ! Avec Cils Tint, Couleur Semi-Permanente des Cils, Lancôme invente le premier mascara tenue et soin 72h. Idéal pour le weekend et les vacances, pour le sport ou la baignade. Il est également le parfait allié des cils très clairs manquant de définition. Il intensifie la couleur des cils pour un regard assuré et sublimé, tout en les renforçant en agissant comme un véritable voile protecteur. Formule certifiée biologique 100% d’origine naturelle enrichie en cires naturelles qui permettent une texture crémeuse facile à étirer et qui tient 16h.

Ah n’en pas douter, cette catégorie de produits nous réservera assez probablement des développements encore assez spectaculaires. En particulier par le recours à l’intelligence artificielle qui, en faisant la synthèse de beaucoup de ce qui a déjà été fait, pourra assez probablement aboutir à des propositions originales.
D’autres femmes, à l’instar de Michèle Morgan pourront s’entendre dire : t’as de beaux yeux !!!
Jean Claude LE JOLIFF
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