Je rebondis sur la publication d’un article sur le Thermogène© par Retronews pour revenir brièvement sur cette sensation particulière peu souvent mise en avant, mais qui a sa raison d’être en cosmétologie : la peau qui chauffe.
Le Thermogène était une préparation développée en Belgique, dans le Brabant, en 1896. L’invention du pharmacien bruxellois Charles Vandenbroeck était produite dans une usine de cellulose de Gastuche et commercialisée aux quatre coins du monde dans un petit paquet rouge. Elle était accompagné d’une communication spécifique, le Pierrot thermophile. Selon les mots mêmes de son fabricant, le Thermogène est une « ouate de qualité supérieure » sur laquelle ont été appliqués « par des procédés spéciaux» les principes actifs d’un végétal exotique qui lui confèrent ses propriétés révulsives. Comme son nom l’indique, le Thermogène engendre de la chaleur et guérit en une nuit rien de moins que « toux, rhumatismes, points de côté, lumbagos » !!!!
On serait donc bien bête de ne pas s’en procurer, tandis qu’on a vu « disparaître en une nuit, des douleurs que l’on croyait incurables, grâce à cette ouate merveilleuse, convenablement appliquée »Il s’agit d’un tampon de ouate teintée à l’éosine, ce qui lui donne sa couleur rouge, et parfumé de baume du Pérou et de bois de santal. Mais, surtout, le capiton est imbibé de Capsicum frutescen, dont les variétés sont plus connues sous le nom de Tabasco ou de Pili-pili. Il était proposé pour le traitement de toute une série de douleurs ou de maux divers. La seconde guerre mondiale emporte au loin le Thermogène et son plastron de pili-pili et son Pierrot thermophile.
Il s’agissait en fait d’une sorte allégée de cataplasme moins agressif. Ceci s’inspirait également de certains traitements dermatologiques de désensibilisation ou de traitement de la dermatite atopique à la farine de moutarde. La marque n’existe plus, mais on peut trouver un produit analogue sous le nom de Ouate Thermogène©.
Ce n’était donc pas un cosmétique au sens ou la réglementation décrit cette catégorie de nos jours. Donc, en quoi ça concerne la cosmétique ? Et bien tout simplement parce que certaines pratiques cosmétiques vont reprendre plus ou moins consciemment le mode d’action de ce produit. Le but n’était bien évidemment plus de soigner, mais de générer un effet particulier au niveau de la peau, un effet de chaud. Le principe est d’utiliser ce mode d’action toutes les fois où on souhaite obtenir une stimulation de la micro circulation périphérique. L’idée repose donc sur une stimulation de la microcirculation périphérique sous l’effet de substances aux propriétés rubéfiantes et vasodilatatrices.
Pour ce faire, au premier rang se trouvent toute une série d’esters de l’acide nicotinique, un vasodilatateur bien connu. Mais aussi une vitamine, la vitamine B3, donc pas d’inquiétude, encore que sous la forme d’esters, la molécule acquière des propriétés sensiblement différentes, et devient en particulier rubéfiante. Mais aussi la capsaïcine, des extraits de piments, de poivres ou d’épices aux propriétés rubéfiantes et bien entendu certaines huiles essentielles les contenant. Ces différentes substances fonctionnent plus ou moins de la même façon. Les récepteurs au chaud (TRPV1), vont servir de véritable « thermomètre moléculaire». Avec des molécules comme la capsaïcine, la pipéridine ou encore l’eugénol, vont se fixer sur les récepteurs et déclenchent l’ouverture de canaux ioniques à l’origine d’un message nerveux. La résultante est un effet de chaud. On obtient une sensation de chaleur sans augmentation réelle de la température. Est-ce pour autant que ces substances peuvent qualifiées de neurocosmétiques ? A l’époque où elles ont été utilisé, cette notion de neurocosmétique n’existait pas vraiment. Dorénavant on peut se poser la question.
Ces caractéristiques sont souvent associées à un caractère plus ou moins irritant irritant, le dosage de ces substances est particulièrement délicat. Ceci se complique d’une dimension individuelle qui fait que l’irritabilité est variable d’un individu à l’autre ce qui rend encore plus difficile exercice. Une collaboration étroite avec un expert toxicologue doit présider à la mise au point de ce genre de produit de nos jours. En effet, l’utilisation de molécule présentant des propriétés érythematogène n’est pas une question triviale.
Parmi les produits auquel ce principe a été appliquée ou trouve :
Les crèmes amincissantes.
À côté de la régulation de l’adipogénèse, la stimulation de la microcirculation périphérique a longtemps été considéré comme un modèle d’action complémentaires utile. De ce fait, dans les années 90, on a vu se développer des propositions de crèmes amincissantes incorporant une fonction chauffante.
Cet effet est généralement obtenu par utilisation de rubéfiants classiques. L’effet chauffant était associé à une augmentation des actifs sur l’action lipolytique, mais également permettant de visualiser la zone d’application et de générer un effet sensoriel.
Exemple de formulation.

En 2022, certains de ces produits sont encore aux catalogues des marques, comme par exemple celui-ci
Des toniques capillaires. Dans les capillaires, on a longtemps considéré qu’un effet sur la micro circulation périphérique pouvait également avoir un effet complémentaire sur l’irrigation du bulbe et par voie de conséquences sur des produits retard dans la chute ou proposant une repousse partielle. Ces utilisation plus confidentielles. Toutefois ont peu quand même trouver des développements assez récents sur ce thème comme en atteste ce brevet. Une littérature spécifique a ces applications existe également comme cette étude assez récente (2020) : Utilisation des extraits de Capsicum dans des produits cheveux.
Des produits pour donner un effet de volume aux lèvres.
Un autre de utilisation de la microcirculation périphérique renvoie aux les produits proposés dans des revendications ayant un effet volumateur de la lèvre. En effet en mettant à profit le caractère contractile de la lèvre, la stimulation de la circulation peut avoir un effet sur le volume de la lèvres. C’est de cette façon qu’une pratique courante qui consiste à se pincer les lèvres pour provoquer à la fin du pincement un appel de sang ayant un effet immédiat sur la couleur et le volume des lèvres. Toutefois, le dosage des rubéfiants reste très délicat et on préférera l »utilisation d’extraits végétaux dont l’effet est moins marqué, comme dans cet exemple.

Ou encore de produit plus récent.
Tous ces produits ne sont pas à confondre avec des produits pour le massage ou destinés aux muscles, bien que la notion d’huile musculaire a existé à une certaine époque, avant de disparaître. Le concept et le mode d’action n’était pas le même. De la même façon, des avancées récentes sur la compréhension de l’effet de la microcirculation sur le tropisme cutanée relève de logique différente. Toutefois certaines formulations pour effet « bonne mine » utilisent cette approche.
Voilà comment ce très vieux produit, le Thermogène, a probablement très volontairement impacté les pratiques courantes du monde de la cosmétique.
Merci pour votre lecture.
Laisser un commentaire