Cette catégorie de produits est l’une des plus anciennes parmi les produits de la cosmétique moderne. Son apparition est assez fortement corrélée avec le développement de l’hygiénisme dès la fin du XIXe siècle. Retour sur l’histoire de ce produit moderne : les déodorants.
Petite balade dans les déodorants d’hier et d’aujourd’hui
En 1800, après une de ses victoires, Napoléon écrivait à Joséphine : “Ne te lave pas, j’accours et dans huit jours je suis là “. Dans les années 60, les Who, un groupe célèbre, chantait « Son déodorant l’a laissé tomber, elle aurait dû utiliser Odorono. » du nom d’une célèbre marque. De tous temps et dans de nombreuses cultures, l’odeur corporelle a joué un rôle conséquent dans de nombreux domaines. Lorsque nous vivions dans des grottes, nous étions moins préoccupés par les odeurs corporelles ou tout du moins comme élément de séduction. Dans la préhistoire, l’odeur corporelle servait à distinguer les amis des ennemis. En effet, ces odeurs constituaient souvent un signal d’alerte comportemental ou sociétal. En Micronésie par exemple, pour conquérir l’être aimé, les Naurus s’abreuvent d’une substance afin que leur transpiration en devienne parfumée. Les Chinois avaient fait de l’art de l’encens un des moyens de se parfumer par la peau par fumigation. Les Latins désignaient l’odeur des aisselles sous le nom d’hircismus, parce que, pour eux, elle ressemblait à l’odeur fétide qu’exhalent les boucs. Les Romains de la décadence, très raffinés utilisaient abondamment les parfums et autres produits odoriférants. Le XVIIIe siècle est marqué par un renouveau hygiénique et une valorisation de la nature. Il s’est développé une intolérance envers les odeurs considérées comme malsaines. Cette remise en question de certaines odeurs a pour effet de redéfinir l’hygiène corporelle, mais aussi le rapport qu’entretiennent les individus à la ville. En ce sens, l’élite va valoriser une désodorisation tant au niveau de la ville qu’au niveau du corps des individus et favoriser à partir de 1750 l’utilisation d’une toilette plus légère dotée d’odeurs plus subtiles et délicates. C’est donc dans la mouvance des hygiénistes et de pratiques nouvelles que l’idée de supprimer ou de modifier les odeurs corporelles a commencé à germer. Les gens vont parfumer leurs éléments de toilettes, les gants, les mouchoirs, etc. En ce sens, le cabinet de toilette va devenir le temple par excellence de la séduction. L’histoire est ainsi marquée de nombreuses pratiques de ce genre.
L’histoire des déodorants est donc fortement associée aux processus responsables de la formation des odeurs corporelles.
Parmi ces processus, la transpiration va donc très vite été regardé comme un facteur déterminant. L’attention va donc se focaliser sur deux aspects :
• Comment produire moins de sueur,
• Comment éviter qu’elle ne se soit transformée pour générer de mauvaises odeurs. En effet, l’action des microorganismes au contact de la sueur va être très vite considéré comme l’élément déclenchant.
Presque de tous temps, l’homme a entretenu avec ses odeurs corporelles une longue histoire. Pendant très longtemps, les pratiques courantes consisteront à se parfumer, souvent assez abondamment, pour couvrir les odeurs corporelles. Le phénomène de sudation était bien évidemment connu, et certains troubles comme l’hyperhidrose avaient déjà été identifiés. Le lien avec l’odeur corporelle a été formellement et rapidement établi. Quant au rôle de la transformation de la sueur en substances odoriférantes, il était connu également. Tout se passe comme si la prise de conscience de la régulation de l’odeur corporelle via la transpiration apparait à la fin du XIXe siècle. A mesure que les normes d’hygiène personnelle augmentaient au XXe siècle, de plus en plus de personnes ont choisi d’utiliser des produits pour contrôler la production de sueur, particulièrement sous les aisselles et l’odeur qu’elle produisait, plutôt que de faire face aux conséquences. Toutefois, une certaine confusion a existé pendant longtemps entre déodorants et antiperspirants, les deux étant souvent présenté pour le même usage.
Ce serait apparemment aux USA que les premiers déodorants ou désodorisants commerciaux ont vu le jour. Le produit le plus souvent cité est une crème. En 1888, la marque américaine « Mum » crée le premier déodorant antibactérien. Créée par un inventeur inconnu de Philadelphie, Mum était une pâte à base d’oxyde de zinc appliquée sous les aisselles. Il a rapidement été suivi en 1903 par Everdry, le premier « antisudorifique » efficace. Everdry était une solution de chlorure d’aluminium que l’on tamponnait avec un coton-tige pour obtenir des résultats souhaitables. Everdry mettait une éternité à sécher et avait une mauvaise habitude de piquer l’utilisateur et de « manger » à travers les vêtements, c’est à dire de les tâcher. D’autres produits ont suivi. Les premiers exemples de produits incluent : Mum (1888), Amolin (1893), Ever-Dry (1903), Hush (1908), Non-Spi (1910) et Odo-Ro-No (1914).
Une étape importante sera franchie lorsque ces produits, en particulier Odorono, séduisent le monde publicitaire qui décide alors de créer le besoin. Des slogans publicitaires très orientés vont généraliser l’utilisation de produit destinés à contrôler la sudation, les effets de moiteur et le niveau d’odeur corporelle. Les effets d’une transpiration excessive étaient fortement critiqués. Il se vendait par exemple des protections sous axillaire en cuir pour dissimuler la sudation excessive. Il y avait une pression sociale forte pour aborder l’hygiène personnelle de manière plus rigoureuse. Selon Diane Wendt, conservatrice associée à la Division de la médecine et des sciences du National Museum of American History, « La publicité a joué un grand rôle pour convaincre les gens qu’ils avaient besoin de produits pour être propres, en bonne santé et hygiéniques, de l’OB – odeur corporelle – à la mauvaise haleine. Le déodorant était une commodité abordable au début des années 1900. Il sera vendu presque essentiellement sous forme de crème, ou de poudre. Mais sous la pression de ces campagnes publicitaires, l’usage c’est ensuite généralisé. Dès 1938, on estimait que 60 % des femmes et 20 % des hommes aux États-Unis utilisaient un produit pour contrôler les odeurs des aisselles (déodorant) et/ou la transpiration (anti-transpirant). Certains de ces produits ont été spécialement conçus pour les hommes et introduits à partir de 1935. Au milieu des années 1950, inspiré par le stylo à bille, le premier roll on (Ban) est sorti. Dix ans plus tard, le premier aérosol lançait une industrie de plusieurs milliards de dollars (1960).
On Europe, les choses seront plus timides et le processus sera plus tardif. On trouve assez tot des spécialités de ce type.

On trouve également ODORONO en vente en France pour les voyageurs avec quelques autres spécialités.


En France il faut attendre réellement les années 50 pour que des déodorants corporels soient enfin largement disponibles. Il démarreront principalement en pharmacie. Dès lors ils suivront un développement assez comparable au marché américain. Ceci d’autant que cette catégorie de produits est principalement centrée sur la grande distribution. Sur ce segment, les marques sont souvent des groupes internationaux favorisant des formules générales tous marchés. Les sels aluminium et les bactéricides seront la règle. Parmi les premiers produits proposés en France, on trouve un savon déodorant, Rexona, qui sera très vite en concurrence avec le savon Deodoril. La publicité s’en mêlera également avec ce fameux slogan repris régulièrement : « a vue de nez, il est 17.00 » !
Pas très élégant, mais assez descriptif. Les premiers produits seront suivis par d’autres, spray, roll on etc. Le premier produit ayant revendiqué une efficacité antitranspirante est le déodorant spray Narta.
Les ingrédients fonctionnels :
Il existe de nombreux ingrédients ayant été décrits comme ayant un effet sur le niveau d’odeur corporelle.
Les ingrédients fonctionnels selon Cerbelaud
Toutefois, les sels d’aluminium vont s’imposer progressivement pour devenir pratiquement l’ingrédient incontournable de chaque catégorie de produits. Parallèlement à cela, les substances ayant un effet sur la prolifération bactérienne seront également proposé. Ultérieurement, les produits présentés comme étant capables de s’opposer à l’oxydation des corps gras seront également reconnus comme substances actives.
Les produits destinés à être utilisés sur le corps vont se diviser en deux types principaux, à savoir ceux qui sont destinés simplement à désodoriser la transpiration et ceux qui contiennent une teneur suffisamment appréciable d’astringents pour diminuer temporairement le flux de transpiration. La distinction législative entre un anti-transpirant et un déodorant a commencé aux États-Unis avec l’adoption du US Food, Drug & Cosmetic Act (FD&CA) en 1938. Aux Etats-Unis, les antitranspirants seront considérés comme de quasi-médicaments. Il rentre dans la catégorie dite des OTC (over the counter). Dans ce cas, il convient de suivre scrupuleusement les règles édictées par les autorités américaines en ce qui concerne la nature des substances à utiliser, ainsi que leur dosage. On trouvera en suivant ce lien l’ensemble des dispositions de la réglementation américaine. Elle va souvent servir de référence.
La demande accrue au XXe siècle pour ces produits va commencer sur le marché américain lorsque des entreprises fabricants des déodorants ont mené de vastes campagnes publicitaires pour convaincre les femmes américaines – et plus tard les hommes – qu’elles devaient faire quelque chose contre le problème de la transpiration des aisselles.
Les deodorants
Les produits parfumés ont été utilisés depuis des siècles pour masquer les odeurs corporelles. Ils continuent d’ailleurs l’être.
Antiperspirants
Dits aussi antisudoraux, ou antisudorifiques, ils visent comme mode d’action la réduction de la transpiration. Très vite les sels d’aluminium se sont imposés comme élément actif.
La remise en cause des sels d’aluminium
La remise en cause des sels d’aluminium va conduire à la reformulation d’un grand nombre de produits. Ils sont accusés d’augmenter les risques de cancer du sein, et leur utilisation a souvent été décriée ces dernières années. Toutefois, les études évoquant leur dangerosité souffrent de nombreux biais et le lien de causalité n’est aujourd’hui toujours pas prouvé. Le Comité scientifique de l’Union Européenne pour la sécurité des consommateurs (SCCS) ainsi que d’autres régulateurs de l’Union Européenne tels que l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR) ont clairement déclaré que les informations disponibles ne permettent pas d’étayer les préoccupations concernant le potentiel cancérogène des composés d’aluminium, dont les sels d’aluminium. Le Food and Drug Administration considère que l’usage de chlorhydrate d’aluminium dans les anti-transpirants est sans danger et autorisé pour des concentrations ne dépassant pas 25 %. Dans la majorité des cas, ces substances seront substituées par des sels de magnésium présentant des propriétés proches de l’aluminium.
D’autres modes d’action vont alors être proposés. Autres modes d‘action. L’effet nonenal, production d’une odeur spécifique au cours du vieillissement est a considérer dans cette catégorie.
Formes et galénique des produits
Les déodorants et antisudorifiques pour aisselles ont été distribués de différentes manières, notamment sous forme de poudres, de liquides, de crèmes, de bâtonnets, de flacons compressibles, de roll-on, d’aérosols et de pompes, différentes formes devenant plus ou moins populaires au fil du temps. Vous trouverez dans le travail de James Bennett une analyse assez exhaustive de ces différents types de présentation et dont quelques-unes sont très originales comme la stoppette.
Depuis le début des années 90, on a également vu arriver sur le marché des tissus bioactifs, capables de lutter contre les microbes et surtout, contre leur corollaire le plus gênant, l’odeur. Il se vend toujours des protections axillaires pour compenser les effets de la transpiration.
Bien que les déodorants soient fortement intégrés dans les produits d’hygiène, donc distribués plutôt en grande distribution et en grandes surfaces,
les sociétés spécialisées en parfumerie fine ont également développé des produits sur la base de cet ingrédient. La formulation est articulée autour de l’utilisation d’un parfum de référence, compléter généralement d’un bactéricide à faible dose.
Mais cette catégorie de produits finalement historique peut faire l’objet de développements assez étonnants comme ce produit connecté qui détecte automatiquement le niveau de produit à délivrer en fonction du besoin.
Microbiote et microbiome : ce concept concerne bien évidemment cette famille de produits. La modification de la flore axillaire commensale est directement associé à ce processus. C’est ainsi que l’on peut voir de nouveaux produits utiliser comme mode d’action la protection ou la restauration du microbiote.
Les tests d’efficacité.
Comme pour l’ensemble des produits, les effets revendiqués doivent être démontrés et démontrables. Dans le cas des produits destinés à maîtriser le niveau d’odeur, les techniques sont quelques fois un peu particulières. Cette technique un peu particulière, a été pratiqué pendant longtemps. Elle était dénommée le « snif test ». Elle consiste à faire évaluer par des examinateurs entraînés le niveau d’odeur sous axillaire après avoir utilisé le produit. Des techniques plus sophistiquées faisant appel à des approches plus quantitatives sont également possible, combinant plusieurs approches faisant éventuellement appel a des analyseurs de niveaux d’odeur.

Questions faisant l’objet de débat
L’une des questions est de savoir si les humains sécrètent des phéromones, à la manière des animaux. Certaines marques de parfum tentent d’encapsuler des phéromones de synthèse vous promettant que cette fragrance vous aidera à attirer de potentiels partenaires. Mais les humains n’ont pas d’organe voméronasal qui permet aux animaux de détecter les phéromones sécrétés par d’autres animaux de la même espèce. À la place, nous sentons les odeurs grâce à notre système olfactif. Il y a donc de fortes chances que ce système ne fonctionne pas.
Merci à James Bennett pour son remarquable travail documentant la partie américaine. Denis Cantrel pour son aide technique.
Jean Claude LE JOLIFF
Pour en savoir plus : Blibliographie Déo
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