Le terme Cérat est un peu désuet mais a décrit pendant longtemps de très nombreuses préparations cosmétiques. Selon Cerbelaud[1], Cérats vient du latin cératus, c’est à dire contenant de la cire.
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Les cérats sont des compositions à base de cires et d’huiles, ou de cires, d’huiles et d’eau ou d’hydrolats aromatiques ou de solutés médicamenteux. Ils diffèrent des pommades en ce qu’ils ne contiennent pas de graisse, et des Onguents en ce qu’ils ne renferment pas de résine. Il n’est pratiquement plus utilisé de nos jours, mais ils décrivent encore plusieurs familles de produits. Parmi ceux-ci se trouvent les « cold cream », mais également d’autres type de produits qui reprennent ce concept de formulation, comme les « cérats à la rose », « cérats labiaux » ou « cérats pour les lèvres ». Ces derniers produits étaient souvent des produits de maquillage des lèvres réalisés à partir d’extrait colorés comme le carmin ou l’orcanette, ou encore aux « stéarates rouges ». Ils deviendront ensuite des produits sous forme de bâtons dénommés « Pommade rosat ». Les utilisations les plus large seront autour des crèmes, avec les cold cream et tout ce qui découlera ensuite de ces familles de produits.
Il existe de très nombreuses formulations autour de ce concept de cold cream. Certains sont plus interpellant que d’autres. C’est le cas par exemple des cérats de cires liquides. Tout comme il existe de très nombreuses huiles végétales, il existe de plusieurs variétés de cires liquides. Parmi les cires liquides, il y en a une qui occupe une place particulière qui justifie largement sa très large utilisation dans les produits cosmétiques : l’huile de jojoba. Bien que le terme « huile » figure dans son nom vernaculaire, ce n’est pas une huile au même titre que les huiles végétales courantes. En effet, chimiquement si les huiles végétales sont essentiellement des triesters du glycérol, l’huile de jojoba est une ester cireux issu de l’estérification d’un acide gras et d’un alcool gras. De ce fait la molécule a des propriétés très différentes tant sur le plan stéréochimique qu’organoleptique.
C’est un liquide jaune doré dont les propriétés d’émollience et de répartition à la surface de la peau sont tout à fait remarquables. La cire est contenue dans les graines de la plante ou elle représente environ 60 % du poids des graines. Elle est composée principalement d’esters de haut PM et, dans une moindre mesure, d’acides libres, d’alcools libres et d’hydrocarbures. De petits esters de triglycérides sont également présents. Sa composition en a fait un ingrédient de substitution du spermaceti à partir des années 1970. Depuis, elle a fait l’objet de nombreux dérivés et a été très largement utilisé dans les cosmétiques.
C’est à partir de ce type d’ingrédient que des cérats de cire liquide peuvent être développés. En effectuant récemment une recherche j’ai trouvé un type de formulation qui a existé en son temps mais qui selon moi n’a plus vraiment cours. Nous sommes dans les années 70 et les références citées dans les brevets renvoient à toute une série de brevet sous le titre « Mélange d’huiles végétales à base d’huile de jojoba comme agent stabilisant l’oxydation et compostions cosmétiques les contenant ».
Cette revendication de stabilisation des huiles instables est intéressante, mais peut-être pas la plus pertinente. Au-delà de cette propriété étonnante de stabilisation, ces produits représentaient une famille de cosmétiques ayant un fort pouvoir émollient par suite de la forte concentration en huile de jojoba. Si les cérats étaient catalogués dans la famille des crèmes grasses, ce n’était pas le cas avec ces formulations. Compte tenu des caractéristiques de l’huile de jojoba, il s’agissait avant tout d’une crème grasse, liquide ou toucher non gras, une sorte de matrice de contradiction dans le monde cosmétique !
Bien que ceci ne soit pas une certitude, cette structure de formulation a probablement servi à la commercialisation d’un produit qui a connu un certain succès au début des années 80 dans la marque Lancôme, NUTRIBEL®. « Une crème liquide nourrissante et hydratante » selon la publicité de l’époque. L’huile de jojoba était associée à du miel pour ses propriétés hydratantes. Ce produit restera au catalogue quelques années. Peut-être a-t-elle été réutilisé dans le cadre d’autres marques du groupe, mais nous n’en avons ni la trace ni la preuve. La marque a été déposé en mars 1984 pour une durée de 40 ans.
Quoiqu’il en soit, cette formulation en son temps a constitué une structure de formulation tout à fait originale et intéressante. On ne peut qu’encourager les formulateurs d’essayer de reproduire ce type de produit tout à fait remarquable.
Vous trouverez comme d’habitude les liens utiles sur le site de la Cosmétothèque.
Alors, bonne lecture, ou bonne écoute, ou les 2
[1] Formulaire de parfumerie tome II page 66
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