Certains d’entre vous ont peut-être entendu parler de la procédure Rapex. Le Système RAPEX est un système européen communautaire d’échange rapide d’informations sur les dangers découlant de l’utilisation des produits de consommation. Elle publie chaque semaine sur Internet un bilan des produits dangereux et des mesures correctives prises. Parmi les différentes classes de produit, les cosmétiques sont régulièrement concernés pour une classe, celles qui pourraient contenir des nitrosamines. Ce curieux nom a encore récemment fait l’actualité. De quoi s’agit-il ?
Les nitrosamines sont des substances azotées qui se forment dans de nombreux milieux, tant végétaux qu’animaux. Elles sont formées par une réaction de nitrosation entre des nitrites ou des nitrates et des amines ou des amides. Elles sont connues depuis plus d’une centaine d’années et la présence de nitrosamines dans certains produits n’est pas une question récente. Dès 1976, voir même avant, Magee and all confirmera leur carnogénicité. En effet, 90 % des nitrosamines ont manifesté un pouvoir cancérigène sur de nombreux organes et ceci pour toutes les espèces animales testées. Et rien ne permet de penser que l’homme puisse résister à l’activité cancérogène des composés N-nitrosés. Une réunion en 1977 aux USA avait alerté sur ces questions. Les préoccupations concernant la contamination des cosmétiques par les N-nitrosamines et ce principalement sous forme de NDELA, remontent au moins à 1979 (United States Federal Register Notice, 44 FR 21365, 10 avril 1979). Les traces de N-nitrosamines dans les cosmétiques peuvent provenir de l’utilisation de certains ingrédients cosmétiques et/ou de la nitrosation de précurseurs, principalement des amines secondaires présentes dans les produits cosmétiques finis (Harvey et al. 1994).
Les dosages montreront très vite leur présence dans des produits en particulier dans le domaine des denrées alimentaires. Le risque concerne principalement l’alimentation, viande, conserves etc. Mais aussi la pharmacie. Des médicaments ont été récemment soupçonnés de contenir des nitrosamines : Rapimicine, l’Azantac, les sartans etc.
La cosmétique est également concernée. En fait, certains ingrédients impliqués dans la formation de nitrosamines sont couramment utilisés dans la formulation de certains produits cosmétiques : alkanolamines, et en particulier la triéthanolamine, nitrates, dérivés nitrés etc. Les produits concernés sont ceux les contenant : produits moussants, shampoing et produits pour le bain et la douche, mascara, vernis à ongles etc.
Les N-nitrosamines sont couvertes par la réglementation européenne sur les cosmétiques. La quinzième Directive 92/86/CEE de la Commission européenne relative aux produits cosmétiques interdit la commercialisation de produits cosmétiques contenant des nitrosamines. La présence de traces dans les produits cosmétiques est tolérée si celles-ci sont techniquement inévitables, dans la mesure où le produit n’a aucun effet négatif sur la santé humaine lorsqu’il est appliqué dans des conditions d’utilisation raisonnablement prévisibles. Bien qu’aucun taux spécifique n’ait été fixé pour les produits cosmétiques finis, cela implique de maintenir des taux de N-nitrosamines aussi bas que raisonnablement possible. Une directive fixe une limite de 50 µg·kg-1 (c’est à dire partie par milliard ou ppb) pour la teneur en N-nitrosodialcanolamine dans les dialkanolamides d’acides gras, les monoalcanolamines et les trialkanolamines utilisés comme matières premières dans la fabrication de produits cosmétiques. Par extension, cette limite sera celle qui servira de référence pour les produits finis. Une directive européenne pour les denrées alimentaires reviendra et précisera les choses en 1997. Puis en 2003, la directive européenne 2003/83 du 24/9/2003 précisera très exactement les conditions autour de ce groupe de substances et en particulier concernant l’utilisation des alkanolamines. Parallèlement à cela, les méthodes analytiques vont progresser pour permettre de valider ces différentes questions. De ce fait, cette question est importante et récurrente compte-tenu des limites extrêmement faibles concernant la détection.
Cette particularité n’aurait qu’un intérêt limité si cette réaction n’aboutissait pas dans de nombreux cas à la formation dans les produits finis de ces substances. Face à cette situation, l’industrie a pris des mesures pour maintenir aussi bas que possible les taux de nitrosamines
Pour les produits moussants, ceci a conduit au remplacement des ingrédients à base d’alkanolamines et en respectant les conditions d’usage. Pour les mascaras, la conséquence en a été la reformulation avec ajustement des doses d’alkanolamines (TEA) ou des qualités (MEA ou DEA), soit carrément leur suppression au profit de tensioactifs fortement hydrophiles pour conserver un bon pouvoir mouillant au mascara pour maintenir un bon transfert brosse/cils. Les vernis à ongles sont des produits cosmétiques formulés majoritairement à partir de nitrocellulose comme agent filmogène, et d’argile organomodifiée (stearalkonium bentonite) afin d’assurer la suspension des pigments et nacres tout en assurant une application fluide sur ongles. Lors du vieillissement du vernis à ongles, la nitrocellulose se dégrade très lentement, fournissant une source de nitrite. D’autre part des amines secondaires, à l’état de traces, peuvent être contenues, ou se former au cours du temps dans les argiles organomodifiées. Ainsi, même si les précurseurs des nitrosamines ne sont jamais utilisés en formulation de vernis à ongles, on comprend que le vieillissement de ces derniers puisse conduire à la formation des molécules responsables de l’apparition des nitrosamines.
Afin de garantir l’innocuité d’un vernis à ongles, la valeur maximale doit être la plus faible possible et plutôt que de polémiquer sur les dosages, les sociétés IL Cosmetics et International Lacquers, avec la collaboration du cabinet CSTA, ont cherché un moyen efficace de lutter contre la formation ou la présence de ces traces de nitrosamines, dans l’objectif de les éradiquer totalement. Le choix s’est porté sur l’ajout de maltol. Le maltol est une petite molécule organique naturelle de la famille des pyroanones. C’est un antioxydant connu de longue date, mais dont l’effet sur les nitrosamines dans les vernis à ongles n’avait pas été démontré, ni même exploré. Celle-ci étant soluble dans la matrice organique des vernis à ongles, le travail a consisté à évaluer son potentiel d’inhibition de la formation et de dégradation des nitrosamines dans les vernis à ongles. Au bout d’un programme de 3 ans de recherche il a été montré que cette molécule organique naturelle agit à la fois comme un inhibiteur de la formation des nitrosamines et comme un agent de dégradation de cette famille de polluants. Elle permet de contrôler à un taux extrêmement bas la présence de ces substances indésirables dans les préparations.
Les résultats de l’étude réalisée sur les vernis produits de manière industrielle et prélevée de manière aléatoire ont permis également d’investiguer de manière beaucoup plus poussée les matières premières. Des études de vieillissement ont montrées que cet effet perdure dans le temps.
Ce travail et ses applications ont fait l’objet d’un brevet WO2019091923A1
Ce très intéressant travail permettra à la société International Lacquer de progresser dans la maitrise du niveau global de qualité de ses produits. Il illustre également les travaux quelquefois ignorés menés pour une recherche permanente de l’excellence.
Félicitation à International Lacquers et à IL Cosmetics.
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