De son vrai nom Fred Joséphine McDonald, elle avait pris comme nom de scène Joséphine Baker. Née en 1906 dans le Missouri et décédée en 1975 à Paris, elle est actuellement enterrée à Monaco. Sur décision du président de la République, elle fera son entrée au Panthéon à la fin du mois de novembre 2021. Ses mérites sont nombreux, allant d’une carrière de vedette du music-hall jusqu’à un rôle important pendant la seconde guerre mondiale dans le cadre de la résistance, ainsi que d’œuvres humanitaires bien connues. . C’est d’ailleurs à ce titre qu’elle doit à panthéonisation. Mais elle avait également beaucoup d’autres talents. Certains de ceux-ci ont d’ailleurs fortement contribué à inventer le monde de la beauté que nous connaissons.
Elle a été en particulier l’égérie d’une période charnière dans le monde de la beauté : les flappers aux États-Unis, plus connu en Europe sous le nom de « garçonne ». Cette époque se situe à la fin de la première guerre mondiale. On l’appellera les « années folles », « roaring twenties » de leur vrai nom, et verra un basculement important. Faisant suite à l’implication des femmes dans les activités industrielles pendant la guerre, celles-ci revendiqueront fortement un changement de statut social. Ces femmes vont fortement s’investir, ce qui conduira à des changements importants d’attitude et de comportements : ont raccourci les robes, on supprime le corset, on coupe les cheveux et aux États unis en particulier, on donne le droit de vote aux femmes. Elles porteront également fièrement le rouge à lèvres comme emblème de leurs revendications. Tout ceci aura un impact majeur sur les comportements vis-à-vis de la beauté et les marques et les gammes de produits cosmétiques s’en trouveront fortement changé. C’est le début de la période où les grandes marques américaines, en particulier les grandes dames de la beauté comme Helena Rubinstein, Elizabeth Arden ou d’autres encore, vont affirmer leur domination sur le marché. En Europe, les choses changent moins et les grandes fabriques continuent de dominer la situation. Mais plusieurs leaders d’opinion de l’époque feront leur ces revendications et contribueront ainsi au développement des conséquences de cette période. Coco Chanel sera l’un de ces leaders. Joséphine Baker sera également une de ces personnalités que l’on appellerait aujourd’hui « people ».
Bien connu également pour une coiffure en rupture avec les périodes précédentes, la chanteuse avait un goût exceptionnel à la fois dans la musique et la danse, mais aussi dans les vêtements et les attributs de la beauté. Dans les années 1920, certaines dames ont adopté le « marcelling », des coiffures ondulées aux « ondes Marcel », une technique différente des ondes « au doigt ». Certes les ondulations des cheveux marcellés étaient semblable aux frisottis obtenus avec l’onde de doigt, mais utilisaient un fer à friser chaud selon un procédé imaginé par un coiffeur français, Marcel Grateau, qui se fera appeler plus tard François Marcel Woelfflé et aura donné son nom à cette mode. Un procédé qui faisait fureur à l’époque, notamment chez les femmes avec des coupes au carré plutôt courtes. Joséphine Baker était une des femmes les plus célèbres à avoir adopter une coiffure « marcellée ».


Comme beaucoup d’artiste Joséphine a eu des relations avec le monde cosmétique. Elle s’est même lancée dans l’aventure industrielle en devenant l’icône de produits cosmétiques, capillaires et de produits solaires en particulier. Chez les coiffeurs des affiches recommandaient la brillantine Bakerfix. Sur l’emballage, il était précisé que le produit « fixe les cheveux sans les graisser ». Cécile Couteau et Laurence Coiffard de la Faculté de Pharmacie de Nantes en ont déduit donc qu’il ne s’agit pas d’une brillantine, celle-ci étant constitué de corps gras et ayant pour but de rendre les cheveux souples et brillants) mais plutôt d’une bandoline (cosmétique fixatif des cheveux). Le produit est commercialisé dans un joli pot en verre, agrémenté d’une représentation de l’artiste, cheveux noirs plaqués à l’aide dudit produit. Une frise représentant l’artiste en tenue de music-hall vient compléter le tableau. Du point de vue de sa composition, il s’agit d’un gel de gomme adragante généreusement parfumé. Toutes ces précisions sont apportées par René Cerbelaud qui déshabille les produits du commerce de son temps.

La bakeroil, est « une huile qui bronze sans coups de soleil » est également à l’effigie de Joséphine. Elle a de quoi séduire la consommatrice qui se projette aisément à la place de la star. René Cerbelaud, ne nous livre pas, pour une fois, la composition de ce produit. A cette époque les autobronzants n’ont pas encore fait leur apparition sur le marché. On en déduira donc qu’il s’agit d’une huile permettant de bronzer « sans risque », de composition vraisemblablement analogue à celle des autres huiles présentes, à la même époque, sur le marché. On n’en est alors qu’aux balbutiements en ce qui concerne la formulation des produits de protection solaire et on ne dispose, pour l’heure, d’aucun moyen pour déterminer le niveau d’efficacité atteint.
La Bakerskin quand à elle était une crème « à brunir » dont on ne connait pas la formule, peut-être réalisé à partir de la fameuse huile de coco très en vogue à cette époque, et qui de toute évidence avait comme fonction de donner à la peau un hâle remarquable. Selon certain, cette crème permettait également d’imiter les effets des bas de soie. Le Journal, dans un numéro de Juillet 1934, explique qu’elle pouvait également être utilisé pour faire « les raccords » de bronzage : Le journal Bakerskin.
Voilà comment cette grande artiste a traversé le siècle. Celles ou ceux qui lui rendront visite au Panthéon pourront se rappeler que la cosmétique a joué un tout petit rôle dans sa notoriété, mais un rôle quand même.
Bonne lecture.
Composition du Bakerfix selon Cerbelaud.
40 grammes de gomme adragante, 990 grammes d’eau distillée, 10 grammes de glycérine, 3 grammes de soluté de formol, 1,5 grammes d’ionone blanche pure, 1 gramme de zeste de bergamote, 0,20 gramme d’essence d’Ylang-Ylang de Madagascar, 0,05 gramme d’essence absolue liquide de jasmin.
Laisser un commentaire