À quoi ça sert « ton truc » ?
Cette question m’a souvent été adressée par ceux qui s’interrogent sur les finalités de la Cosmétothèque. Ma réponse est presque toujours la même : à rien, mais ça m’occupe !!!
Bien évidemment ce n’est pas la finalité, même si c’est en partie vrai. En effet en créant cette activité je ne cherchais pas uniquement à tuer le temps. Il était bien évidemment question de la valeur du patrimoine technique et scientifique de cette profession. Mais cela va au-delà selon moi, en particulier dans le domaine de l’innovation. L’approche simpliste de l’innovation renvoie régulièrement à l’idée que la technologie en serait le moteur en déclassant les réalisations du passé. D’où une dichotomie confrontant le passé qui n’aurait plus d’intérêt a un futur uniquement conduit par des technologies. Avec au milieu de tout ça dans nos métiers un monde dans lequel le vert et le naturel seraient les valeurs de référence incontournables. Or la grande majorité des innovations est le fait de stratégies de long terme permettant de résister aux crises successives. Changer en restant soi-même ainsi que synergie entre passé et futur sont les clés d’un continuum nécessaire entre la volonté de faire table rase du passé et l’éternel retour. La gestion du patrimoine en est un des outils. Le patrimoine doit donc être vivant et ne pas se limiter à parler de ce qui n’est plus. La Cosmétothèque a été créé dans cet esprit.
L’occasion nous a été donnée récemment de fournir un exemple de l’un des fondements de nos travaux. Il s’agit de la renaissance de la marque Cottan. Dans la lignée des actions de relancement de marques anciennes, comme Bully récemment repris par LVMH ou Gellée Frères maintenant aux mains de capitaux asiatiques, ou encore de Bienaimé, la marque Cottan a été exhumé des limbes dans lesquels elle était pour redevenir un acteur actuel.
La démarche est rappelée dans ce livret Legato_Cottan édité par la marque et qui résume bien les choses, pas la peine de revenir dessus. La Cosmétothèque a essayé modestement de jouer un rôle dans ce projet. Notre travail a été de retrouver, à partir des éléments historiques disponibles ou mis à jour lors des recherches d’antériorité, les bases techniques ayant présidées au développement des produits de l’époque. Le parti pris n’a pas été de faire uniquement comme avant, comme si les choses étaient mieux avant, mais d’identifier les concepts de bases des techniques de l’époque pour les réinterpréter avec les moyens de notre époque et ainsi proposer des choses en respectant l’esprit du temps avec la force du présent.
Nous avons été de surprise en surprise en redécouvrant que certains principes de base de maintenant étaient déjà des facteurs clé de succès à l’époque : formulaire simple et pas simpliste, choix minutieux des ingrédients dans le cadre de référentiels ayant autant de sens que les actuels, les gestes de base de la beauté, limités à un nombre essentiel, qu’une marque devenu référence mondiale, Clinique pour ne pas la cacher, reprendra. Bien évidemment rien ne laisse à penser que cette marque s’est inspirée directement de Cottan, mais c’est quand même troublant.
La phase de formulation ensuite, avec une recherche du juste dosage au service de la formulation en repartant sur des techniques oubliées ou considérer comme désuètes. Peu de gens s’intéressent encore aux vinaigres et encore moins se rappellent comment formuler des « crèmes neige » dites aussi évanescentes. Quant à la glycérine, beaucoup l’ont rangé au rang des commodités à considérer avec dédain ! Ce sont les bases sur lesquelles se sont articulé les éléments de formulation. Bref, un vrai moment de plaisir.
L’équipe Cottan a très bien résumé tout ça dans le livret joint à cette contribution ou sur leur site. Notre peine a été très bien récompensé par ces lignes : Cher Jean Claude LE JOLIFF, c’est toute l’équipe projet de COTTAN qui doit vous remercier d’avoir insuffler à ce projet la bonne vision, celle de l’étude et du respect envers une longue et riche histoire des métiers de la formulation en cosmétique. A ce titre, la Cosmétothèque constitue une incroyable ressource pour tous les professionnels du secteur, d’aujourd’hui comme de demain, car comme le rappelle le frontispice de son site : « La beauté est éternelle, les savoir-faire s’oublient. La Cosmétothèque les conserve. » (Site : https://cosmetotheque.com). Au passage, je ne peux qu’inciter mes collègues, quelles que soient la taille de leur entreprise, et leur ancienneté dans le secteur, à s’inscrire à la lettre d’information du site, et à cotiser à l’association, car la Cosmétothèque constitue un authentique « bien commun » que nous devrions tous contribuer à développer et à préserver;(G.Bascoul CEO Cottan).
Voilà comment la Cosmétothèque a contribué à ce projet. L’avenir nous dira s’il est couronné de succès, mais les indicateurs d’une innovation ne doivent pas être uniquement mercantiles. Dans la conduite de ce projet nous nous sommes attachés à administrer la preuve de concept que la réinterprétation des techniques de formulation peut constituer une source certaine d’originalité et conduire à des propositions fortes de sens et de culture. On retrouve là une démarche analogue à celle de l’Osmothèque dans la renaissance par exemple de Volnay. Cette démarche s’inscrit également dans la logique de l’innovation dans la durée reprise apr Marc Giget dans une série de conférence dédiée à ce sujet. Alors n’hésitez pas à nous aider par tous les moyens qui vous sembleront utiles pour que le patrimoine technique de nos métiers ne disparaisse pas et mieux, soit de nouveau valorisé. Vous pouvez nous aider de multiples façons par exemple en faisant don de vieux ouvrages ou de documents pertinents, d’anecdotes associées à des histoires de produits, d’ingrédient, de marque, de techniques ou de personnes ayant contribué à cette profession. Accessoirement en adhérant à l’association. Si vous êtes intéressé par le fait de reprendre d’anciens produits ou d’anciennes formules, le réseau de laboratoires avec lequel travaille la Cosmétothèque pourrait vous y aider.
Jean Claude LE JOLIFF
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