Nous sommes au XXIe siècle et pour les jeunes générations qui ne pensent que Clean Beauty slow cosmétique, Vegan et autres concepts, qui ont connus Fukushima et entendu parler de Tchernobyl, il peut paraître saugrenue de découvrir que la radioactivité a été considéré comme une démarche miraculeuse y compris dans le domaine de la beauté.
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La raison n’est pas très compliquée à trouver : c’est la rançon du progrès scientifique. De façon quasi éternelle, chaque fois que la science propose une avancée qui présente un effet bénéfique, rapidement on va chercher à en faire bénéficier le plus grand nombre. Et ça, ce n’est pas discutable.
Ca devient discutable lorsque la connaissance s’améliorant, on découvre que les effets bénéfiques sont largement compensés par des effets néfastes. Ce fut le cas du Radium. Elle est loin l’époque bénie où on pouvait promouvoir le radium et en mettre partout. Des produits de beauté au dentifrice en passant par les suppositoires, l’élément chimique découvert par Marie Curie a été pendant un temps la star de la pub avant qu’on ne revienne sur son utilisation en la réservant à des fins non médicales. Mais sa présence en quantité infime dans certains produits du quotidien était regardée sans réel danger.
Il fut donc un temps où le radium était considéré comme une avancée spectaculaire. Des contributions comme les petites Curie en étaient l’illustration. C’était de petites ambulances que Marie Curie avait mis au point et qui se déplaçaient sur le front pour aider les chirurgiens pendant la première guerre mondiale à diagnostiquer par utilisation de la radiographie certaines interventions chirurgicales. Au lieu d’amputer systématiquement, les chirurgiens pouvaient opérer en toute conscience. Comment ne pas regarder cela comme un progrès spectaculaire. Cet élément inconnu jusque-là permettait de faire des choses que l’on ne savait pas faire avant.
Les produits à base de sels radioactifs apparaitront tout d’abord en pharmacie. A cette époque, il était admis que ces sels favorisaient les échanges cellulaires, préservaient de l’eczéma et des verrues et activaient la microcirculation capillaire. Cerbelaud dans le Tome II de son formulaire de Parfumerie rapporte que Frouin montrera en 1920 que le Thorium retarde l’apparition des rides.
Une marque va plus particulièrement illustrer cette période. Il s’agit de la marque THORADIA. Tous ceux qui s’intéressent un peu à la cosmétique ont déjà vu cette image emblématique du visage d’une blonde platine illuminé par un pot de crème ouvert.
Sur la base d’une observation empirique qui postule que le radium pourrait avoir des propriétés excitantes, un jeune pharmacien proche des Curies explore cette hypothèse. L’idée est que le radium se comporterait à très faibles doses comme un stimulant des fonctions cellulaires. Des médicaments seront proposés sur ce principe, mais le coût est très élevé. La découverte d’un gisement de radium et son exploitation vont alors doper les utilisations et les usages vont se multiplier. À partir de là, le radium a trouvé son usage dans des quantités de choses assez impressionnantes : des pommades et des crèmes bien évidemment, mais du dentifrice, du chocolat, de la poudre en particulier du talc pour bébé, des produits contre les cheveux gris, des suppositoires, on ne précise si les volontaires devenaient phosphorescents, des sous-vêtements et des gaines, du coton, des engrais alimentaires, des lames de rasoir qui désinfectaient en cas de besoin. Pour finir, un « soda atomique » qui redonnait force et vigueur.
La réglementation est pratiquement existante sur ce point à cette époque.
Reprenant ces idées, un pharmacien va mettre au point une crème à base de produits radioactifs. Sa rencontre avec un certain Docteur Alfred Curie, homonyme des savants, sera déterminante pour la suite. Le pharmacien formule un produit à base de sels de thorium et de radium dans un mélange de stéarine saponifiée, baume du Pérou et oxyde de titane. Les doses de radium étaient toutefois assez faibles, de l’ordre de 0,2 à 1% d’une solution au millionième (1ppM) de bromure de radium. En 1932, Alfred Curie dépose le nom de marque ThoRadia et dans le même temps autorise que l’on revendique la revendication « mise au point suivant la formule du Docteur Alfred Curie ». Pour garantir le sérieux, le produit ne sera distribué qu’en pharmacie. Le succès est au rendez-vous. Des produits plus classiques sans sels radioactifs seront lancés sur le nom de cette marque.
Entre-temps, la dangerosité de la radioactivité a été confirmé, avec entre autres l’épisode des « radium grils », des ouvrières fabricant des montres à base de radium, victime de nécrose de la face à force d’appointer leur pinceau avec la salive en les portant à la bouche.
La réglementation s’est durcie et face aux contraintes, la marque Thoradia cessera son activité au milieu des années 1960.
Nos anciens étaient tout aussi créatifs que nous ! Mais ils n’ont pas connu le principe de précaution, ni l’écologie quelquefois castratrice, encore moins la réglementation. De nos jours, il n’est pas rare que lorsque l’on trouve quelque chose d’intéressant, on commence par chercher toutes les bonnes raisons de ne pas le faire. Ou alors, et ce n’est pas mieux, on tombe dans une sorte de science-fiction infondée qui fait que certains racontent un peu n’importe quoi et n’importe comment.
Alors, est-ce mieux de faire n’importe quoi ou de dire n’importe quoi ? Ni l’un ni l’autre vous me direz, mais ces histoires ont un sens. Relisez les contributions sur la beauté radioactive, pas avec les lunettes d’aujourd’hui, mais avec le regard de l’époque et si par impossible cela pouvait inspirer des comportements créatifs, ça n’en serait que mieux.
Bonne lecture, ou bonne écoute ou les 2.
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