Peaux artificielles : la technologie aura-t-elle la peau de l’être humain ? C’est en ces termes que le numéro 6 de la revue La Peaulogie pose la question. Ce nouveau numéro de la revue essaie de montrer comment les choses évoluent. Il nous pousse à questionner plus que jamais les frontières de notre corps, les arts, la science et les biotechnologies étant à la manœuvre. Après avoir fait le constat que les spécialistes de la peau ne sont plus les mêmes, intégrant fortement des métiers de l’ingénierie tissulaire, alors que précédemment ils étaient centrés plus sur la conservation ou la description, différentes questions autour de ce thème sont discutées. Petit retour sur un sommaire d’une grande richesse.
Comme le dit Irène Salas dans son éditorial : La peau se trouve décidément au cœur de profondes transformations biologiques et technologiques…. L’être humain moderne occidental semble capable de changer l’apparence de sa peau au gré de ses fantaisies. Elle continu par une revue de détails sur toute une série d’approches plus ou moins avancées et qui pour quelques-unes interrogent. Au sommaire :
- Un point à date est fait sur les peaux artificielles, épidermes reconstitués, bio matrices dermiques, un aperçu également des impressions tissulaires.
- La reconstruction tissulaire est abordée dans des buts assez classiques. Mais d’autres considérations sont avancées comme les perspectives de la peau transgénique, envisageable comme remplacement de la peau dans des cas extrêmes.
- Une série de peaux cobayes sont examinées. On apprend que la peau de concombres présente une grande similitude avec la peau humaine et de ce fait ce végétal a servi à entrainer les vaccinateurs pour la Covid.
- Dans le domaine des Peaux biomimétiques, une mention spéciale pour la Soie d’araignée qui pourrait servir en chirurgie réparatrice et plastique, voir plus.
- Une expérience particulière concernant l’utilisation de « peau pansement » à base de peau de poisson, le talapia.
- La confection de peau de robot à l’aide de collagène de méduse ou encore de prothèses tactiles avec une ouverture vers les peaux haptiques qui pourraient avoir comme finalité de modéliser la perception tactile
- Un chapitre est consacré aux secondes peaux : avec des ambitions dans l’embellissement ou les tatouages, les pansements bio-actifs ou intelligents, etc. et sur les Cosmétotextiles
- Enfin, un essai concernant les apports du cyber érotisme et de la plénitude sexuelle. Assez curieusement, c’est aspect revient de plus en plus souvent dans l’évocation de voie du futur.
La mise au point d’une peau synthétique SkinBag, caractérisée par sa texture plissée, permet de donner une apparence organique à tous types d’objets. Olivier Goulet commente cette démarche.
Les peaux artificielles à l’écran sont développées par Clémence Mesnier à partir de la question : en quoi, dans des œuvres cinématographies, la peau artificielle engage‐t‐elle une crise identitaire, un mouvement de dépersonnalisation ou de transfiguration ?
Stéphanie Messal à partir de L’étude du personnage Motoko Kusanagi (héroïne cyborg du long métrage d’animation Ghost in the Shell de 1995), aux prises avec un « super tank », développe une réflexion anthropologique et (cyber)psychologique sur l’utilité́ et la signification de sa peau de synthèse. Que révèle ce corps démembré́ sous la peau déchirée ?
La maison dans la peau est traitée par Christine Bergé : on interroge ici l’art d’habiter les textures prélevées, et la façon dont le tact à distance révèle des liens organiques, invisibles s’il n’y avait ce geste double : appropriation/ détachement. Un voyage dans les couches du temps, qui apprivoise et pacifie les empreintes.
Stéphane Dumas revient sur la question de l’image comme seconde peau. Surface enracinée dans l’épaisseur corporelle, la peau relève à la fois de la nature et de la culture. Grâce à cette double dimension, elle permet de questionner le processus de l’image et le rapport entre artificiel et naturel. Il s’agit d’interroger ce qui fait corps dans l’image à travers ce qui fait image dans la peau.
Le Grand entretien d’Irène Salas avec Fabien Guillemot, Président de Poietis, une des sociétés parmi les plus avancées dans le domaine des peaux reconstruites.
Elodie Pintossi revient elle sur la reconstruction de la peau des grands brulés. Dans cet article est décrit le long parcours de soin du patient grand brulé́, qui s’apparente aussi à un parcours du combattant ; puis l’impact que peuvent avoir sur lui ces technologies. Quels rôles jouent les peaux‐appareillages et les peaux‐pansements dans la réappropriation corporelle du patient grand brulé́, et sur son équilibre psychique.
Jeune femme scarificatrice typique dans les années 1960 est le thème de la contribution d’Adrien Cascarino. L’objectif de cet article est alors d’effectuer une analyse historique préliminaire pour mieux comprendre dans quelles conditions la scarification devient un objet d’étude pour la psychiatrie et la psychanalyse.
Bonne lecture, ou bonne écoute, ou les 2.
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