La lutte contre les effets de la pollution n’est pas nouvelle. Classiquement, cette approche passera très souvent par ce que l’on appelle « l’antipollution ». L’idée sera préférentiellement de « lutter » contre les effets de la pollution. Une autre approche est possible, celle qui consiste à annuler ou inverser les effets de la pollution. C’est ce que l’on appelle la dépollution ou mieux la biorémédiation.
Déjà au début du XXème siècle la question était documenté. Par exemple, Pond’s revendiquait que son Cold cream était un produit parfait pour cela. C’est ainsi qu’en 1917, Pond’s utilisait comme slogan: “cleanse your skin of all the dirt which lodges in the pores through the day, and which, more than anything else, injures the skin”. On recommandait dans le même temps d’utiliser la crème de la nuit pour parfaire cette action: « Its gentle oils will sink deep into the pores especially during sleep and cleanse the skin thoroughly (Pond’s advertisement, 1927) ». Ce thème sera plus ou moins récurrent, mais sans pour autant représenter un claim majeur. Les décennies de l’après-guerre seront consacrées plus particulièrement à des revendications antiâges basées sur la biologie et les constituants majeurs de la peau, collagène et élastine entre autres.
Il faudra attendre les années 90 pour que cette revendication prenne de nouveau de la consistance. L’apparition du dogme des radicaux libres va donner de la consistance a cette approche. L’idée qui va primer sera que la pollution provoque la formation d’espèces délétères, les radicaux libres, dites ROS. La théorie des radicaux libres ayant été énoncé, devenue populaire et ayant fait le plein de revendications antiâge, la suite se fera autour de revendications pour prévenir les effets de la pollution. L’approche sera préférentiellement via des antiradicalaires. Les principaux antiradicalaires seront largement candidats à ces applications. Parmi les sociétés leader sur cette revendication, on trouve Clarins qui dès le milieu des années 90 va revendiquer spécifiquement une protection antipollution dans plusieurs produits et en fera une revendication transversale forte. Guerlain avait précédemment initié des revendications autour du thème des radicaux libres avec la gamme Evolution™, mais ne les avait pas rattachés aussi spécifiquement à la pollution. Cette revendication va de nouveau passer au second rang, mais après une période de relative confidentialité, des travaux sur les effets de la pollution à l’aide de techniques nouvelles vont relancer cette question en faisant avancer la compréhension de ces mécanismes. L’intérêt va se focaliser de plus en plus sur la notion de particules. Plusieurs types de particules seront décrites comme ayant des effets délétères. C’est le cas par exemple pour PM2,5 et PM10. Les chiffres désignent la taille de ces particules exprimées en µ, le préfixe « particular matter ». Ces particules sont regardées aujourd’hui comme les principales sources de pollution atmosphérique. Du coup, on regarde la pollution un peu différemment. Une initiative introduite sur les marchés en 2021 va dans ce sens. Il s’agit du projet Purally présenté comme une des toute premières gammes de produit s’intéressant à la lutte contre la pollution particulaire. Pas n’importe quel type de pollution, puisque les produits sont supposés s’intéresser aux effets de la pollution par les particules microscopiques dites PM 2,5. Dans cette nouvelle gamme, l’effet de protection vis à vis de la pollution particulaire est obtenu grâce à l’utilisation d’un extrait à partir duquel a été isolé une molécule active. L’utilisation de cet extrait vient de travaux menés par une équipe suisse travaillant sur des phénomènes inflammatoires associés à la maladie de Crohn. La plante a été identifiée dans la pharmacopée alpine. Il s’agit de Saxifrage Ronde ou SAXIFRAGA ROTUNDIFOLIA. La similitude entre les cellules de la paroi intestinale et les kératinocytes, va conduire à tester avec succès cet extrait sur des inflammations de la peau. Après un long travail les chercheurs ont fini par identifier dans les feuilles de la plante, des polyphénols glycosilés naturellement stabilisés dans la plante par un sucre végétal, le Rhamnose. Les kératinocytes possédant à leur surface des récepteurs au Rhamnose, ceci renforce l’idée d’un biomimétisme. Ceci a donné naissance à un nouvel actif breveté et dénommé Rhamnophénol®. Plus près de nous, une société dénommée Monteloeder confirme l’intérêt de polyphénols également dans la même voie.
Cette idée de la biorémédiation, qui n’est pas encore très à la mode dans le monde de la cosmétique, a pourtant une certaine antériorité et c’est bien la raison pour laquelle ce sujet trouve sa place aujourd’hui dans les colonnes de la Cosmétothèque. Pourquoi est-il intéressant ? Tout d’abord parce qu’il touche au naturel et que tout ce qui touche au naturel est devenu légitime. Ensuite parce que la pollution et ses effets sur la peau sont devenus également des sujets incontournables. Fondamentalement, cela consiste en la décontamination de milieux pollués au moyen de techniques issues de la dégradation chimique ou d’autres activités comme des organismes vivants. Elle a été souvent proposée dans le cadre de traitement biologique par des microorganismes ayant comme fonction de supprimer les effets de la pollution. Il s’agit de laisser les micro-organismes du sol décontaminer naturellement le milieu. Avec un peu d’imagination, on peut facilement transposer ce concept a d’autres usages que la décontamination des sols et de l’environnement. La peau est en permanence contaminé par des contaminants environnementaux. On essaie maintenant d’en atténuer les effets, mais une approche plus simple consisterait en la neutralisation de ces contaminants autant que de leurs effets. Dans une contribution datant déjà de quelques années, cette approche appliquée à la cosmétique avait été évoqué. Le rôle des microorganismes était évoqué et les avancées sur le microbiote ont confirmé leur intérêt.
Il y a aussi d’autres façons de faire de la biorémédiation. C’est par exemple le cas de l’utilisation ancestrale de graines Moringa par des communautés africaines pour purifier l’eau qui est connue et pratiquée depuis longtemps. La démarche consiste à préparer une poudre à partir des graines de cet arbre très répandu qui ensuite mélangé à l’eau permet de la rendre potable. Une spécialité, Purisoft™, développée sur cette idée dans les années 90 par les Laboratoires Serobiologiques, aujourd’hui racheté par BASF, permettait de compléter l’action de produits nettoyants classiques en permettant l’élimination de particules diverses issues de le pollution environnementale.
Cet arbre a d’ailleurs de multiples vertus qui sont bien décrites dans ce travail de Cosmetics and Toileteries. Cette approche reprend d’ailleurs en partie une autre qui repose sur l’utilisation de l’argile pour purifier l’eau. Cet usage très ancien consiste à utiliser les propriétés complexifiantes de l’argile pour chélater le calcium contenu dans l’eau pour éviter la formation de sels de calcium insolubles. Ceci permet d’améliorer les propriétés purifiantes des produits en contenant des quantités suffisantes. Un nombre important de démaquillant ou de masques à l’argile ont été proposés de longue date.
Dans le même esprit, un groupe de substances a également été proposé dans l’idée de neutraliser les effets de substances connues pour leurs effets délétères. Basé sur les travaux originaux de Jean Morelle qui avait émis une hypothèse qui veut que certains végétaux introduits dans la cuisine pourraient contrecarrer le phénomène d’oxydation et seraient non seulement susceptibles de protéger les aliments de l’oxydation, mais également de neutraliser les produits de l’oxydation. Ce concept voudrait dire que ces aliments proposeraient une sorte d’antidote à l’oxydation. Un vrai nouveau paradigme dans un domaine qui commençait à tourner un peu en rond. Un fabricant d’ingrédient va avoir l’idée d’étendre cette idée au domaine de la cosmétique et des soins de la peau. L’idée de ce laboratoire sera de proposer des extraits utilisables soit par l’industrie pharmaceutique soit par l’industrie cosmétique pour développer des propositions qui vont dans ce sens. Il s’agit d’extraits végétaux un peu particuliers décrits sous le nom de Cosmétolègumes™. Nous avons relaté le développement de ces spécialités dans une précédente contribution de la Cosmétothèque.
Voilà brièvement décrites les approches s’intéressant à la pollution. Il y en a de très nombreuses qu’il serait fastidieux de décrire une par une. Coptis ingrédient liste plus de 150 matières actives pour ces applications. La base Cosmetikwatch dénombre plus de 350 propositions de produits finis pour ces 10 dernières années: Pdt Pollution. Mais toutes ou presque passent par des approches classiques du type de celles qui sont décrites au début de cette contribution. Elle consiste très souvent à passer par la voie des anti radicalaires. L’approche de Purally montre que des approches originales sont encore possible.
La créativité de l’approche scientifique a encore bien des choses à nous proposer. On attend avec intérêt des choses autour du microbiome et des microorganismes, via peut-être de la biorémédiation. D’ailleurs, le rééquilibrage du microbiote cutané ou les greffes fécales dans d’autres domaines, ne seraient-ils pas finalement de la biorémédiation ?
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