On a vu dans l’épisode, précédent que le Botox était devenu un geste de base de la beauté et de l’esthétique en général. Mais que son usage était compliqué, voir impossible en cosmétique. Toutefois, l’industrie cosmétique n’en restera pas là et va assez rapidement disposer de solutions, qui seront appeler « botox like » ou « Botox cosmétique ».
Les substances qui seront proposées viennent des travaux sur les neurosciences et plus particulièrement sur la fusion membranaire. L’étude des mécanismes permettant la transmission d’informations par la voie synaptique va fournir les éléments permettant de déboucher sur des molécules candidates. Lors de la transmission impliquant une structure nerveuse plusieurs structures sont concernées. Les neurotransmetteurs qui sont responsables de cette transmission sont stockés dans de petites vésicules membranaires au niveau des neurones présynaptiques. La libération de ces neurotransmetteurs est initiée par la dépolarisation du neurone, qui à son tour active les canaux calciques. L’afflux de calcium déclenche alors la fusion des vésicules synaptiques avec la membrane plasmique. La fusion des membranes vésiculaire et plasmatique est médiée par les protéines SNARE (N-éthylmaleimide soluble – sensitive factor attachment receptor ou encore SNAp REceptor). C’est le mécanisme utilisé dans le cas de la toxine botulique que nous vous avons décrit dans cette contribution. Ces protéines peuvent être utilisées dans le trafic de la voie sécrétoire, y compris la neurotransmission. La découverte de ces mécanismes date de la fin des années 80 et leur compréhension courant des années 90.
Le mécanisme connu, il ne reste plus qu’à trouver des substances pouvant interférer avec celui-ci. C’est à ce niveau que la seconde avancée importante apparaîtra avec la mise au point de tests biochimiques permettant in-vitro d’étudier spécifiquement la transmission neuro-musculaire et de chercher des substances candidates pouvant interagir.
Nous sommes à la fin des années 90. Une société espagnole va très rapidement s’intéresser à ces questions et à la suite de recherches appropriées, va identifier un groupe de substances pouvant répondre à ces tests. Il s’agit de peptides ayant la caractéristique d’être des analogues de structure de certaines des protéines impliquées dans ces mécanismes. Il s’agit en particulier d’héxapeptides spécifiques. Cette molécule sera baptisée Argireline™ (INCI: Acetyl Hexapeptide-8). Ce peptide est la réplique de l’extrémité N-terminale de SNAP-25 qui est un des éléments du complexe SNARE. Ce peptide entre en compétition avec la protéine naturelle pour se positionner dans le complexe SNARE, en déstabilisant sa formation, sans en briser aucune de ses composantes, ce qui fait la différence avec la toxine botulique. Toutefois, si le peptide cible le même groupe de protéines, il le fait par une voie légèrement différente. Lorsque le complexe SNARE est légèrement déstabilisée, la vésicule ne peut pas libérer efficacement les neurotransmetteurs, la contraction étant donc rendue réduite significativement. L’effet recherché est obtenu.
Lipotec nous précise que ARGIRELINE® peptide est développé à partir d’une méthodologie créée par le professeur R.Bruce Merrifield de l’Université Rockefeller aux États-Unis, qui a reçu en 1984 le prix Nobel de chimie pour ce développement révolutionnaire. Il a été exclusivement fabriqué et fourni par Lipotec™ Active Ingrédients.

Dès-lors cette molécule va intéresser fortement l’industrie cosmétique qui très rapidement proposera des produits l’utilisant avec la revendication antirides associé à ce mode d’action. De nombreuses études tant in-vitro qu’in-vivo vont attester de l’efficacité de la molécule, ainsi que sa bonne tolérance : Document Lipotec. L’activité antiride n’est pas la seule associée à l’usage de cette molécule. D’autres effets ont été démontrés, mais l’effet antiride est le plus en adéquation avec la molécule. On trouvera d’autres informations sur cette molécule sur le site du fournisseur.
Nous sommes au début de ce siècle. De très nombreux produits seront lancés avec cette molécule et elle deviendra un des actifs génériques de ces dernières décennies. Poursuivant son développement le fabricant de la molécule, la société Lipotec va proposer 20 ans après une nouvelle version plus efficace. Cette spécialité est Dénommé Argireline Amplified ™ peptide solution. Selon le fabricant elle présente une amélioration versus la qualité originelle de 33%. De son INCI : Acétyl Hexapeptide-8, elle se caractérise également par le fait d’être d’origine naturelle. (99,5% norme ISO 16128). D’autres effets ont été également évalués, ainsi que ses propriétés in-vivo démontrées de différentes façons. On trouvera toutes les informations également sur le site du fournisseur.
Comme indiqué, cette série de molécules constitue à ce jour les substances de référence pour ce type d’activité. Bien évidemment la concurrence va jouer, en particulier par la mise au point de tests permettant de « screener » un grand nombre de molécules. D’autres substances sur ce mode d’action seront donc régulièrement proposées par les fabricants. On peut citer à titre d’exemple les spécialités suivantes, qui ne sont pas les seules.
- Historiquement, tout d’abord une substance issue du groupe Croda Sederma peu de temps après l’Argireline. Il s’agit de la Calmosensine SP: De son nom INCI Acetyl Dipeptide-1 Cetyl Ester, qui en plus de ses propriétés démontrées précédemment sur la production d’enképhalines, a présenté d’intéressantes propriétés myorelaxantes. De ce fait, c’est peut-être la première substance ayant ces propriétés. La démonstration de son activité avait été réalisée en collaboration avec le Laboratoire BET, (La Gazette du Laboratoire Avril 2004) aujourd’hui disparus, sur un modèle original.
- Ou encore Myoxinol LS de BASF, ex Laboratoire Sérobiologique: Un oligopeptide un peu plus tardif obtenu par biotransformation de protéines de graines d’Hibiscus :INCI: Hydrolyzed Hibiscus Esculentus Extract (and) Dextrin.
Plus récemment, de nouvelles spécialités sur la base de peptides sont apparues comme :
- Un peptide développé par une autre société espagnole, Infinitec Activos, et appelé peptide BoNT-L (INCI: Palmitoyl Hexapeptide-19) dont l’activité est intéressante également
- Munapsys de la société Lipotrue, une société espagnole également, qui est un peptide à double action selon le fabricant, en visant en complément une autre protéine du complexe SNARE et en faisant une des spécialités parmi les plus intéressantes du marché.
Bien que les peptides constituent une voie parfaitement adaptée, d’autres substances permettront également d’obtenir des résultats similaires. C’est le cas par exemple :
- Ameliox™ par Mibelle Biochemistry une suspension liposomiale associant de la carnosine, un antioxydant et un antiglycant.
- Gatuline Expression™ Il a été développé par Gattefossé à partir de l’Acmella oleracea(INCI), également appelée « Mafane », une petite fleur jaune traditionnellement utilisée comme plante médicinale, et qui présente des propriétés anesthésiques naturelles (principalement à Madagascar et dans les îles Mascareignes). Le Spilanthol, trouvé dans cette fleur, un alkylamide, a été démontré comme étant la molécule apportant l’action myorelaxante à cette spécialité.
Cette liste est loin d’être exhaustive, on pourra trouver d’autres spécialités dans des bases de données comme Coptis.
Des substances un peu particulières peuvent également jouer ce rôle, comme un soin anti-rides appelé Snake Venon Cream à base de polypeptide provenant du venin de vipère, la Tropidolaemus wagleri. La marque Garancia de son coté fait appel à des laboratoires de biologie moléculaire qui travaillent aussi pour la pharmacie. Ceux-ci ont isolé dans le venin d’une vipère une protéine, la waglérine qui a des effets relaxants sur les contractions musculaires. Après l’avoir purifié ils ont isolé les principes actifs bénéfiques : vingt-trois acides aminés qui ont ensuite été greffés sur des chaînes de molécules (des peptides de synthèse) pour une meilleure pénétration dans la peau. On trouve également des produits à base de venin d’abeilles ou de guêpes, voir même de cobra.
Beaucoup de substances ayant des propriétés proches de ces neurotoxiques, ne doutons pas que la créativité des fabricants fournira d’autres spécialités bien évidemment dans le respect des règles et après s’être assuré de l’innocuité complète et de l’efficacité de ces spécialités.
Comme mentionné dans une contribution précédente, un autre mode d’action a également été proposé. Il s’agit de contrer une propriété essentielle du derme qui est la contractilité fibrillaire. Dans cette approche, les substances en cause interagissent avec la contraction des fibroblastes et des fibres de collagène pour diminuer la « dermocrispation ». Les produits les plus représentatifs de cette classe sont à base de Boswelox™, un principe actif développé initialement par le groupe L’Oréal (Dermo Expertise) à partir de la Boswellia.
Voilà donc comment et à partir de quoi s’est développé ce que l’on appelle le « Botox cosmétique », ou « Botox like », c’est-à-dire des produits reprenant le mode d’action de la toxine botulique, sans en avoir la toxicité et les inconvénients, et ayant démontré des propriétés qui sont antirides, et quelques fois compléter par d’autres actions. Ces approches constituent à ce jour un des moyens courants de développer des produits antiâge avec comme bénéfice particulier , un effet dit antirides.
Merci pour leur aide précieuse :
- Carole Sommier société Lipotec
- Olga Gracioso société Sederma
- Gérard Bernard
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