Dans ce dossier traitant de la beauté en relation avec les muscles, une substance occupe une place de choix. Son effet a révolutionné la médecine esthétique, et par voie de conséquences le monde de la beauté. La cosmétique a donc bien été obligé de s’y intéresser. Retour sur la fabuleuse histoire de la Toxine botulique dite aussi Botox.
On ne peut pas commencer ce chapitre sans parler de la substance de référence, le Botox™. L’utilisation du Botox™ à des fins de beauté a suivi une histoire un peu particulière. Elle trouve son origine d’un domaine plus ancien et plus lointain. Il s’agit de la jonction neuromusculaire. Le rôle et l’importance de cette structure, appelée également « plaque motrice », nous le devons à Claude Bernard. Le grand physiologiste avait identifié que les contractions musculaires avaient pour origine la transmission nerveuse au niveau de la jonction neuromusculaire. En utilisant du curare, il avait montré qu’il était possible d’inhiber la contraction musculaire.
C’est ce mécanisme qui, par des chemins très détournés, finira par générer le Botox™. En effet, une maladie dénommée botulisme sévissait à la fin du XIXème dont certains symptômes sont la paralysie des muscles. Il sera montré que cette maladie a comme agent causal une bactérie qui sécrète une substance responsable de ces symptômes. Cette substance est dénommée toxine botulique. La toxine botulique (ou botulinique) est sécrétée par Clostridium botulinum, la bactérie responsable du botulisme. Il s’agit d’une protéine dont les propriétés neurotoxiques en font le plus puissant poison connu (DL50 1 à 2ng/kg). Elle est découverte en 1895 par Van Ermengen. Pendant très longtemps son utilisation n’a été réservé qu’à des fins thérapeutiques dans des affections bien particulières. La toxine botulique agit par un effet antagoniste sur des neuromédiateurs. Elle inhibe la libération de l’acétylcholine au niveau de la plaque motrice et au niveau du système parasympathique. Elle agit donc par paralysie des nerfs moteurs et provoque une paralysie flasque. C’est au niveau de la fusion des vésicules d’acétylcholine avec la membrane de la cellule nerveuse que cet effet intervient en agissant sur un complexe particulier, le SNARE. Le complexe SNARE permet la fusion entre la vésicule et la membrane présynaptique. En agissant sur ce mécanisme, les récepteurs à acétylcholine des cellules musculaires restent vides et les muscles n’entrent pas en contraction.
En quoi tout ceci concerne le monde de la beauté ? Tout simplement parce que par un effet de sérendipité, on découvrira très tardivement et un peu par hasard ses effets à destination de soins esthétiques. Bien que les experts n’aient aucune information sur la structure réelle de la peau, ils soupçonnaient qu’il y a une relation entre la peau et les muscles. Rappelons que la peau est fixée aux muscles peauciers par un réseau de filaments de collagène, eux-mêmes contractiles. Chaque fois que le muscle se contracte, il tire sur ces filaments, qui de ce fait rétrécissent avec comme conséquence de tirer sur la peau. La conséquence est que la peau se marque plus spécifiquement, en particuliers au nouveau des rides, mais également en ce qui concerne la fermeté. Donc, si on est capable de diminuer le mouvement des muscles, on doit pouvoir s’opposer au processus.
A noter qu’un autre processus est susceptible d’avoir cet effet. Il fonctionne sur un autre mode d’action qui consiste à s’opposer à la contraction fibrillaire. Il existe déjà des produits basé sur ce mode d’action.
Mais revenons à notre Botox™. La confirmation de l’intérêt de l’inhibition de la contraction musculaire à des fins de beauté ne viendra pas nécessairement d’où on l’attendait, mais d’un domaine d’activité annexe, l’ophtalmologie. Tout commence dans les années 50 quand Vernon Brooks montre que la toxine botulique agit sur les terminaisons nerveuses avec comme conséquence une relaxation musculaire. Dans les années 1960, le Dr Alan B. Scott, ophtalmologiste, commence à injecter de la toxine botulique à des singes, recherchant avec succès dans ses effets relaxants sur les muscles un traitement au strabisme. Comme les résultats étaient prometteurs la toxine botulique est devenue en peu de temps la toxine de prédilection dans les laboratoires de recherche du monde entier. D’autres recherches ont montré que les bienfaits du médicament allaient au-delà de l’ophtalmologie et procuraient aux patients un soulagement temporaire de spasmes divers dont faciaux. Au fur et à mesure que la recherche se poursuivait, d’autres utilisations potentielles sont apparues. Mais la découverte de loin la plus bouleversante est survenue par accident lorsque le Dr Jean Carruthers, ophtalmologiste canadien, a remarqué que ses patients atteints de blépharospasme commençaient à perdre leurs rides du lion. En 1992, avec son mari dermatologue, ils publient une étude dans le Journal of Dermatologic Surgery and Oncology dans laquelle ils affirment que « le traitement par C. botulinum-A exotoxin est une procédure simple et sûre » pour le traitement des rides des sourcils.
Les dermatologues en ont immédiatement pris note et en 1997, l’utilisation du Botox a atteint un niveau si élevé que l’approvisionnement temporaire du pays est épuisé. La FDA approuvera les nouveaux lots et une NDA (New Drug Application) pour cette application sera délivrée en 2002.
Dès lors, cette substance va envahir les cabinets d’un grand nombre de praticiens dans le monde entier et devenir incontestablement la substance de référence. Plusieurs spécialités pharmaceutiques apparaîtront, et le leader du marché, Allergan, qui avait acquis auprès de Scott les droits d’utilisation dans cet optique, deviendra le fabricant leader de ce segment.
Et la cosmétique dans tout ça ?
Le Botox a toutefois des limites évidentes quant à son utilisation en cosmétique.
- Tout d’abord la nature de la substance, c’est un neurotoxique puissant, son utilisation dans des produits en vente libre n’est pas autorisée.
- Ensuite son mode d’administration. Le Botox doit être administré de façon très précise au niveau du muscle concerné de façon à atteindre la connexion neuro-musculaire. Ceci se fait par une injection à l’aide d’une piqûre réalisée par un opérateur expérimenté de façon à atteindre spécifiquement la zone recherchée. Cet opérateur doit être qualifié, c’est un médecin. Ceci est évidemment incompatible avec des utilisations cosmétiques.
Il faudra donc trouver autre chose. Mais compte-tenu de l’intérêt et de l’engouement porté a cet effet, la solution ne tardera pas.
Remerciements à Mouna Ghoul de la société Allergan pour son aide précieuse.
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