La notion de principes actifs dans le monde de la cosmétique est plus ancienne qu’il n’y paraît. Parmi les tous premiers exemples, les vitamines seront de la fête.
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Elles s’appelaient Vitamin cream. Elles sont nées au début du XXème siècle à une époque où l’on découvre les vitamines et la notion de vitamines. Rappelons que vitamine veut dire amine vitale, parce que le corps ne sait pas les faire mais qu’il en a besoin. C’est à ce moment que l’on crée le terme de vitamines et que l’on comprenait petit à petit leurs fonctions. Bien évidemment tout ça ne se passait pas dans le monde de la cosmétique. Mais assez rapidement l’industrie cosmétique va si intéresser et les utiliser de différentes façons. Ce seront les fameuses « vitamin cream ».
Puis, comme c’est presque toujours le cas dans le monde de la cosmétique, on se lassera de ces ingrédients, au point de ne pratiquement plus les utiliser, en tous les cas à minima de ne plus les revendiquer. Elles ne seront plus utilisées que pour des raisons techniques comme la stabilisation des ingrédients ou des formules. Puis certaines reviendrons progressivement sur le devant de la scène. Sans ordre préférentiel ni prioritaire, ce sera le cas :
- De la vitamine A, avec tous ses effets sur l’épithélium cutané, mais aussi ses utilisations dans le monde de la thérapeutique, acné en particuliers. Monsieur Albert Kligmann en sera l’apôtre et elle deviendra la base de ce que l’on appelle depuis les cosméceutiques. Elle continue d’être utilisé sous de très nombreuses formes. En cosmétique, ce sera Lancaster qui fera figure de pionnier, mais pas exclusivement. Le monde de la pharma fera aussi ce qu’il faut.
- De la Vitamine E, quand la théorie des radicaux libres de l’effet des radicaux libres se fera jour en cosmétique dans les années 80. Guerlain en sera un des maillons précurseurs avant que tout le monde ne le fasse.
- De la Vitamine C pour son image de « fuel énergétique ». Rappelons-nous des sérums concentrés où il fallait mélanger de la poudre avec une liquide tant la stabilité était un problème. Mais surtout et aussi pour son action sur le collagène. Enfin, et plus spécifiquement quand les produits blanchissants, (il paraît que l’on a plus le droit de le dire, mais on continue de le faire) deviendront un incontournable de la beauté. L’apparition des variétés dites « vitamine C stabilisée » va conduire à des utilisations pratiquement ubiquitaires.
Aujourd’hui on redécouvre les vertus de la vitamine B3 dite Niacinamide. La niacinamide est la 3ème vitamine du groupe B que l’on retrouve également sous différentes appellations : vitamine B3, vitamine PP, nicotinamide ou encore niacine. Elle joue comme les vitamines du groupe B un rôle dans le métabolisme énergétique. Elle est particulièrement présente dans la viande et le poisson. Cette vitamine est une vitamine hydrosoluble, composée de l’acide nicotinique (niacine) et de son amide, la nicotinamide (niacinamide).
https://www.etatpur.com/media/synthese_biblio/Fiche-Vitamine-PP.pdf
Le nom vitamine PP parfois donné à la niacine vient de pellagra preventive, car une carence peut être responsable de la pellagre. C’est en étudiant la nicotine que H. Weidel découvrit l’acide nicotinique en 1873. Puis redécouverte en 1937, sa présence par C. Elvehjem. On lui donne alors le nom de vitamine PP. Le mot niacine est, quant à lui, un mot valise désignant nicotinic acid vitamin. Il fût inventé pour éviter de suggérer la présence de vitamine dans la cigarette et les produits dérivés contenant de la nicotine.
La carence en vitamine B3 est extrêmement rare. Elle se traduit par des troubles cutanés importants tels que des dépigmentations, des démangeaisons ou une pellagre.
Le niacinamide et la niacine sont des ingrédients cosmétiques retrouvés aussi bien dans les produits capillaires, que dans les produits de soin pour la peau. Globalement ses propriétés intéressantes en cosmétique sont :
- Un effet photoprotecteur : La carence en NAD+ entraîne une sensibilité accrue de la peau aux UV, diminue les mécanismes de réparation de l’ADN et augmente l’instabilité génomique, d’où la propension au développement de cancers. L’administration orale de niacinamide réduit le niveau d’immunosuppression photo-induite et diminue le nombre de cancers cutanés non mélaniques (cancers baso- et spino-cellulaires) chez les patients à haut risque. Par voie topique, le niacinamide est également considéré comme un agent chimioprotecteur. Cet ingrédient est un actif à considérer avec attention dans le cadre de la formulation des produits solaires ou après-solaire.
- La niacinamide, un effet anti-pollution : Dans ce type de formule rétinoïdes, extraits végétaux et niacinamide font bon ménage.
- Le niacinamide, un effet éclaircissant : La niacinamide agit sur le mécanisme de transfert de la mélanine entre le mélanocyte et le kératinocyte (test réalisé in vitro). In vivo, un effet éclaircissant est obtenu pour des préparations topiques à partir de 2 %.
- Le niacinamide, un effet anti-rougeur : Un effet anti-inflammatoire, couplé à un effet de renforcement de la barrière cutanée (par augmentation de la synthèse de certaines protéines cutanées type filaggrine et loricrine) font de cette vitamine un actif pouvant être incorporé dans les cosmétiques à destination des sujets à peau réactive.19
- Le niacinamide, un effet hydratant et anti-déshydratant : Certains auteurs présentent la niacinamide comme le super-héros de l’hydratation et de l’effet-barrière, une préparation renfermant 2 % de niacinamide s’avérant plus efficace en matière de réduction de la perte en eau trans-épidermique que de la vaseline pure.
Elle est utilisée par un très grand nombre de marque. On vous la présente ici sous la forme d’un actif couteau suisse !
De très nombreux produits utilisent déjà ces substances. En voici une liste non exhaustive établie début 2021 à partir de la base Cosmetikwatch : B3 CWatch
Mais c’est surtout l’effet anti-âge qui cristallise l’intérêt de ce groupe de molécules. Ces substances sont à l’origine de deux importantes coenzymes : le NAD (nicotinamide adénine dinucléotide) et le NADP (nicotinamide adénine dinucléotide phosphate). Ces coenzymes participent à plus de 200 réactions enzymatiques dans l’organisme. La vitamine B3 ou PP est donc partie prenante d’un grand nombre de fonctions. De ce fait ce groupe de molécules est devenu l’objet d’un intérêt particulier dans les approches anti-âge car impliqué dans de très nombreuses réactions métaboliques autour du métabolisme énergétique. C’est ainsi que David Sinclair, le spécialiste de la réduction calorique et de ses effets s’intéresse tout particulièrement aux effets sur la durée de vie et sur la production musculaire. Il y a de plus en plus de preuves que la supplémentation avec un précurseur vitaminique du NAD +, appelé nicotinamide riboside, peut favoriser la longévité des formes de vie allant des simples vers aux mammifères comme les souris.
Enfin un lien avec les sirtuines, appelées improprement « protéines de jeunesse » a été mis en évidence. Des liens avec les activités contre les radicaux libres sont également rapporté.
Ce faisceau d’évidences fait apparaitre la nicotinamide et les substances proches comme des acteurs potentiels de ces mécanismes. C’est le cas en particuliers d’un dérivé proche le NMN pour nicotinamide mono nucléotide. Plusieurs études assez larges ont été engagées dans cette voie qui feront que la nicotinamide sera peut-être une des molécules miracles du futur de l’antiâge.
Bienvenue dans le monde des « heroes ingredient »! Et pour le moment, pas encore de question pour savoir si c’est synthétique, vegan, clean ou autre question du même genre.
Bonne lecture, bonne écoute, ou les 2 !
Jean Claude LE JOLIFF
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