L’une des tendances du moment est à ce que l’on appelle la « cosmétique solide ». Ceci n’est pas très nouveau, car des produits cosmétiques sous forme solide existent depuis très longtemps. On peut même considérer que les premiers produits cosmétiques étaient majoritairement sous cette forme. Mais pourquoi pas. La conséquence de tout cela est de remettre en cause l’utilisation de l’eau, est-ce logique ?
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Pour faire un bref rappel, l’eau et plus généralement les « liquides », huiles, eaux, vinaigres, bières, l’esprit de vin qui désignait l’alcool, ont été très largement utilisés pour de nombreux produits sous forme de lotion, d’élixir, voire de produit baptisé « eau » même si le produit n’en contenait pas. Mais c’est avec l’avènement des émulsions que l’utilisation de l’eau va petit à petit se développer, puis se généraliser. La notion d’émulsion remonte à très longtemps. Avant cela, les produits étaient souvent réalisés à base de mélanges de corps gras. L’utilisation d’eau pour former des émulsions va conduire à l’idée de « crème » et plus spécifiquement aux « crèmes cosmétiques ». Le terme crème dérive du nom latin « cremor » qui était employé pour désigner la matière blanc-jaunâtre qui se forme à la surface du lait au repos. Ces produits différaient des onguents, pommades et autres préparations de ce genre principalement par le fait qu’elles contenaient généralement moins de matières grasses et surtout de l’eau. Ces crèmes sont classés en plusieurs catégories, notamment en fonction de leur structure. On distingue les émulsions « huile dans eau » et les « eau dans huile ». Mais plus schématiquement on peut classer, comme René Cerbelaud le faisait, les crèmes en 2 familles : les crèmes grasses et les crèmes sèches. Ce sont des produits quelquefois très anciens comme le cérat de Galien, venu jusqu’à nous sous le nom de cold cream. Historiquement les crèmes grasses sont apparues plus précocement que les autres. L’évolution des formules en regard de leur teneur en eau a suivi de nombreuses tendances. Il ne s’agit pas simplement d’un ingrédient passif, ni d’un simple solvant dont le rôle serait d’agir sur le prix de revient comme il est quelques fois mentionné. Mais d’un produit déterminant de nombreux caractères, dont celui très important de la sensorialité. L’eau joue un rôle essentiel dans les systèmes formulaires, constituant souvent l’ingrédient majoritaire. Elle est largement utilisée en formulation, mais également dans l’ensemble des procédés industriels. L’évolution des pratiques, mais aussi des contraintes réglementaires sociétales et industrielles suppose une très bonne maitrise de ce poste. De ce fait l’eau devient un ingrédient d’une importance capitale, devenant en quelque sorte l’ingrédient le plus précieux de l’industrie cosmétique.
L’utilisation de l’eau va créer petit à petit un nouveau paradigme à l’industrie cosmétique. C’est celui de la propreté microbiologique et par voie de conséquence la conservation, et donc par extension des conservateurs antimicrobiens. En effet l’ajout d’eau fragilise les produits sur le plan de la contamination potentielle des préparations. Pendant une période qui va globalement des années 60 au début du XXIe siècle, les produits seront systématiquement complétés par des substances destinées à éviter la contamination. Ceci aboutira à toute une série de situations plus ou moins rocambolesques, mais dont la plus remarquable est ce que l’on appelle « l’affaire des parabens ». Les questions autour de ce groupe de substances vont avoir un effet très important, obligeant de nombreuses sociétés à revoir leurs formulations. D’autres restrictions sur les conservateurs antimicrobiens contribueront également à repenser cette question.
C’est alors que l’on redécouvrira que les produits sans eau posent beaucoup moins de problèmes de conservation, voir même peuvent conduire à la suppression de ces conservateurs. L’industrie cosmétique, jamais en mal de créativité, va donc finir par présenter la suppression de l’eau comme une tendance d’une rare modernité. Est-ce le cas, je vous laisse apprécier.
Est-ce donc logique de penser que l’on pourra supprimer l’eau des formules ? On peut légitimement en douter. De certaines assurément, mais peut-être même n’auraient-elles jamais dû en contenir !!!!!! Toutes ? Certainement pas, par besoin ou par nécessité. Mais soyons sérieux. La remise en cause de l’eau revient à déboulonner les statues. Ce que l’on décrit comme une révolution copernicienne n’est en réalité qu’une évolution que l’on peut qualifier d’innovation par l’héritage, celle qui reprend les codes d’avant pour proposer un nouveau quelquefois relatif.
Je vous propose donc encore une fois un petit retour en arrière sur ce thème de l’eau, pour que comme nous le mentionnons souvent, le recul permette de comprendre un peu mieux le présent. Vous trouverez grâce aux liens suivant des contribuions sur cette question tentant de couvrir de la façon assez exhaustive à date les questions autour de ce thème.
Ces 2 autres contributions que nous devons à Frédérique Portolan discutent quelques autres aspects de l’utilisation de l’eau.
- https://www.linkedin.com/pulse/cosm%C3%A9tique-et-chimie-verte-36-leau-dans-tous-ses-portolan-phd
- https://www.linkedin.com/pulse/cosmetique-et-chimie-verte-26-eco-conception-actifs-portolan-phd
Pour finir, une série de contributions venant du coté de Nantes sur l’eau :
- « Au tour des eaux micellaires de faire leur festival ! | Regard sur les cosmétiques ». https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/au-tour-des-eaux-micellaires-de-faire-leur-festival-314/.
- « Eau thermale Jonzac, une marque bio qui sort du lot ! | Regard sur les cosmétiques ».. https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/eau-thermale-jonzac-une-marque-bio-qui-sort-du-lot-573/.
- « La rosée, source de beauté ? | Regard sur les cosmétiques ». https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/la-rosee-source-de-beaute-199/.
- « L’eau de Botot, la solution à tous les maux ? | Regard sur les cosmétiques . https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/l-eau-de-botot-la-solution-a-tous-les-maux-206/.
- « Les eaux thermales : quand on ne sait plus à quel cosmétique se vouer | Regard sur les cosmétiques ». https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/les-eaux-thermales-quand-on-ne-sait-plus-a-quel-cosmetique-se-vouer-130/.
- « Quand l’Eau Précieuse rencontre Lucette | Regard sur les cosmétiques ». https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/nos-regards/quand-l-eau-precieuse-rencontre-lucette-159/.
Merci de votre attention et de votre fidélité.
Bonne écoute, ou bonne lecture, ou les 2.
Jean Claude LE JOLIFF
Remerciement : Céline Couteau, Laurence Coiffard, Frédérique Portolan
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