Au moment où ce que l’on appelle la « Cosmétofood » revient sur le devant de la scène, ce curieux nom de « Cosmetolégumes® » ne doit probablement rien évoquer à la majorité d’entre vous. Ce fût un projet intéressant, dont l’un des seuls torts est d’avoir été conçu et développé probablement trop tôt. Né de la contraction de cosmétiques et de légumes, il a fait un passage éclair dans la galaxie de la cosmétique. Et pourtant !!!
Nous sommes au tournant du siècle, le nouveau XXIème arrive, le précédent XXème disparait doucement. Ce concept va émerger des travaux de Jean Morelle qui en son temps a beaucoup travaillé sur la notion d’oxydation en plus de ses contributions sur d’autres aspects. Dans son ouvrage « l’Oxydation des aliments et la santé », l’auteur s’intéresse à plusieurs questions.
Cet ouvrage est une vaste synthèse d’un chercheur original qui a consacré les dix dernières années à l’étude des radicaux libres et des antioxydants. Il a ainsi accumulé, rassemblé et ordonné toutes sortes d’informations sur les propriétés des nutriments et leurs effets, utiles ou néfastes, sur le vieillissement, la vision, la peau et nombre de situations pathologiques.
A l’aide de techniques éprouvées Jean Morelle a actualisé la vision et le champ nouveau des conditions dans lesquelles la cuisine de tous les jours intervient dans l’oxydation de graisses. Celui aussi des conditions de conservation de ces graisses qui se détériorent et deviennent dangereuses.
Il émet en particulier une hypothèse qui veut que selon lui certains végétaux introduits dans la cuisine pourraient contrecarrer le phénomène d’oxydation et seraient non seulement susceptibles de protéger les aliments de l’oxydation, mais également de neutraliser les produits de l’oxydation pour certains. Il propose donc l’idée d’une alimentation « antioxydative » reposant sur trois actions distinctes :
- Empêcher la fixation d’oxygène sur les molécules grasses en utilisant des aliments pas ou peu oxydés et en contrôlant les conditions de mise en œuvre.
- Promouvoir l’utilisation d’antioxydants végétaux, fruits et légumes.
- Détruire des lipoperoxydes présents dans les aliments car il est pratiquement impossible d’empêcher l’oxydation même de bas niveau.
Cette dernière proposition est la plus originale car très peu utilisé conceptuellement. Elle introduit une dimension nouvelle dans le champ de la protection contre l’oxydation. Selon lui, si les fruits et les légumes sont plus ou moins antiradicalaires, une propriété bien connue, il y en a peu qui soit capteurs de peroxydes. Ce concept voudrait dire que ces aliments proposeraient une sorte d’antidote à l’oxydation. Un vrai nouveau paradigme dans un domaine qui commençait à tourner un peu en rond. Ces faits d’observation, jusque-là inconnus, ouvraient la voie à une maîtrise culinaire nouvelle, à une prophylaxie nutritionnelle qui se proposait de faire date.
Pour étayer ce concept, l’auteur propose les résultats de quelques tests comme preuve de concept à sa théorie. Dans ces expériences, il montre en particuliers que les taux de peroxydes et de lipoperoxydes d’huiles alimentaires oxydées expérimentalement sont susceptibles de diminuer de façon significative en présence de certains végétaux. Parmi les résultats présentés, ce tableau est le plus démonstratif.

À partir de ces observations, un fabricant d’ingrédient, le Laboratoire Bomann, qui deviendra la groupe Soliance[1], va avoir l’idée d’étendre cette idée au domaine de la cosmétique et des soins de la peau. En effet, il est communément admis que la formation de RO[2] au niveau de la peau constituerait l’une des principales causes du vieillissement intrinsèque. La protection contre la formation et l’action de ces radicaux libres est devenue une approche courante, mais à l’aide d’antioxydants plutôt qu’en neutralisant les peroxydes formés. L’idée de ce laboratoire sera de proposer des extraits utilisables soit par l’industrie pharmaceutique soit par l’industrie cosmétique pour développer des propositions qui vont dans ce sens.
Ces extraits sont présentés sous le nom de COSMETOLEGUMES-1.pdf
Parmi les végétaux décrits comme susceptibles de générer ces effets, le premier extrait de la gamme qui sera présenté à ‘industrie sera un extrait d’endives belge. Dans la présentation de cette spécialité, le fabricant revendique qu’une dose suffisante, de cet ingrédient, 1 %, diminue, voir même supprime les taux de peroxydes et des lipoperoxydes.
Cette idée ne rencontra pas le succès qui était attendu. Les raisons en sont multiples, mais l’inflation de réponses antioxydantes en est probablement la plus grande. À cette époque, les gens se posent peu la question de savoir s’il y a de nouvelles façons de gérer l’oxydation autre que de faire assaut d’efficacité d’antioxydants exogènes et jouer sur les « bonnes concentrations », c’est à dire assez souvent les plus fortes. Le concept sera également le point de départ d’un complément alimentaire antioxydant dénommé Rexynol 4®.
Les connaissances récentes sur ces questions, en particulier les questions autour du rôle et de l’usage intensif d’antioxydants exogènes pourraient peut-être amener à reconsidérer cette approche. Par ailleurs ceci correspond parfaitement aux tendances naturalistes du moment du marché de maintenant.
Mais le laboratoire a disparu, l’idée est oubliée ! Alors, à bon entendeur salut !!!!!
Jean Claude LE JOLIFF
[1] Intégré à ce jour à Givaudan.
[2] Reactive Oxygen species
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