Le peeling cosmétique est un mode d’action bien connu pour améliorer la qualité de la surface cutanée. Il repose sur une caractéristique bien connue de la peau, le renouvellement permanent de l‘épiderme, et son corolaire, la desquamation. Les cellules les plus superficielles du stratum cornéum sont régulièrement éliminées et remplacées par les cellules nouvellement créées provenant des couches sous-jacentes.
Si ce phénomène est entravé ou diminué, il peut se produire une accumulation de cellules cornée qui concoure à la création d’une hyperkératose plus ou moins discrète, conduisant à un déséquilibre cutané de type peau sèche ou peau rugueuse. On parle alors de peaux rétentionnelles. Certains facteurs comme l’âge ou les conditions environnementales peuvent perturber ce cycle conduisant à des symptômes du même type. Il est donc utile de le réguler. C’est le but des produits dits « exfoliants » ou encore du « peeling cosmétique ». Il se pratique de différentes façons, sans qu’aucune d’entre elles ne soit significativement supérieur aux autres. Voyons plus en détail les différents moyens de mettre en œuvre cette action.
La plus ancienne est assez probablement le « scrub » qui consiste à délaminer les couches supérieures de l’épiderme à l’aide de substances abrasives. Cette action permet de déclencher quasi automatiquement un processus naturel de renouvellement de l’épiderme. On constate une amélioration de turnover épidermique qui conduit à l’élimination des parties cornées. Les produits dits de gommage appartiennent à cette catégorie. Parmi les substances candidates, on retrouve les poudres végétales, pépins ou graines de fruits, souvent de noyaux comme les « célèbres noyaux d’abricots », les argiles ou des ingrédients comme le sel en cristaux, le sucre, le bicarbonate de soude. Récemment, le recyclage de grains de café issus de dosettes a été primé.
Cette technique remonte aux anciens Égyptiens. Au Moyen Âge, le vin était utilisé comme exfoliant chimique, avec l’acide tartrique comme agent actif. Les Grecs utilisaient du sable comme exfoliant. En Asie, la pratique de l’exfoliation a commencé il y a des centaines d’années. L’étymologie du mot « exfolier » vient du latin « exfoliare » pour dépouiller les feuilles.
De nos ,jours, parmi les faits marquants, on peut citer le fameux gommage à l’abricot de la marque Aapri (groupe Gilette) lancé à la fin des années 80 (1988) et qui sera concurrencé assez rapidement par le produit Saint Yves (Unilever).
Malgré ou à cause d’un succès commercial non négligeable de ces produits, ils seront rapidement discutés vis-à-vis de leur innocuité, en particuliers suite à des mésusages. Une recherche d’alternative va conduire à une autre approche. Les grains de gommage servant d’agents exfoliants seront alors remplacés par des agents synthétiques. On pense notamment aux billes de polyéthylène qui seront largement utilisées dans les produits cosmétique.
De nombreux produits suivront cette voie de formulation dans la décennie 90 et plus tard. Mais ça, c’est du passé ! À la suite des critiques sur l’effet environnemental, ces substances vont être interdites petit à petit. En France depuis le 20 juillet 2016, la loi Biodiversité a été validée prévoyant l’interdiction des billes de polyéthylène dans les produits cosmétiques à partir de janvier 2018. De nos jours (2020), les microbilles de plastique ont été pratiquement intégralement remplacées par des poudres d’origine végétale. Il existe de nombreuses propositions chez les fabricants d’ingrédients. Un simulateur permet même de choisir la bonne qualité
Cette action de gommage peut également être réalisé à l’aide d’accessoires comme des gants exfoliants. Il y a les simples gants de toilettes en coton ou encore le fameux gant de crin. Humidifié, le gant de crin s’utilise en gommage du corps préférentiellement ou de manière délicate sur la peau du visage. Une alternative est le kessa qui est un gant à la surface rugueuse utilisé pour réaliser un gommage, traditionnellement en Orient avec du savon noir. A l’origine, ce gant était fait à partir de poils d’animaux mais de nos jours, il est plutôt composé de viscose issue de fibres végétales. Il y a aussi une exfoliation écologique : l’éponge de Konjac. Elle est fabriquée à partir des racines de la plante du même nom. Elle est alors 100 % naturelle et biodégradable. On peut également citer les éponges de Luffa, un concombre exotique qui permet le nettoyage en profondeur.Eponge de Konja
Au rang des produits, on trouve pratiquement de tout temps l’utilisation de préparations destinées à adoucir la peau. On rapporte que les anciens Grecs le faisaient en se frottant la peau avec un mélange d’huiles et de sable qu’ils enlevaient ensuite avec un grattoir métallique incurvé appelé strigil. Souvent associé à des produits moussant pour la peau du corps (savon noir dans pratiques traditionnelles), les produits deviendront plus spécifiques dans la seconde partie du XXème siècle. Citons quelques produits qui ont eu leur temps de gloire, mais qui continuent pour certains à être d’actualité : la Pâte Grise de Payot en 1947,
Day Scrub Cream Clinique en 1968, Doux peeling de Clarins et plus récemment la Crème Exfoliante Embryoliss et de nombreuses autre spécialités.
L’exfoliation de la peau peut également se faire via une action chimique et/ou enzymatique. Pour des peelings dit superficiels, les exfoliants de type chimique agissent en déstabilisant l’adhésion des cellules mortes à la peau et leur cohésion entre elles. Ils sont généralement utilisés pour le visage. Les peelings peuvent être superficiels ou plus profonds selon la nature de l’exfoliant utilisé et son dosage. Issu d’une technique de dermatologie très connue, décrite sous le nom de « peeling profond », il permet d’éliminer une partie importante des callosités. Il se pratique à l’aide de mélange de substances acides comme l’acide lactique ou l’acide glycolique à forte concentration, associé à du phénol et à l’acide trichloreacétique. Il est appliqué exclusivement en milieu médical. Transposé à partir de la fin des années 1980 à l’univers cosmétique, il se pratique de façon douce et modérée en diminuant fortement la concentration des agents responsables ou en supprimant certains (phénol). Les substances candidates ont été baptisées alpha hydroxy acides ou AHA, ou encore de béta hydroxy acides ou BHA, conséquence de leur structure chimie, le groupement carboxylique en positon alpha ou béta. Les principaux acides sont : glycolique (ou acide hydroxyacétique), lactique, malique, et à un degré moindre citrique. On notera que ce sont toutes des substances hydrosolubles. Limité à des concentrations inférieures à 10 %, et en ajustant la valeur pH, on obtient des produits ayant une réelle action sur le turnover épidermique. Leur présence dans certaines sources d’origine naturelle a conduit à l’appellation « acide de fruits », ou « acide de fleurs », ce qui est un peu plus poétique, mais qui décrit le même type de substance. L’une de leurs principales caractéristiques consiste en ce qu’elles génèrent des picotements à l’application. Ces picotements ne sont pas associés à un phénomène d’irritation, mais à un phénomène sensoriel, très supportable et sans conséquences. Plusieurs produits vont illustrer initialement ce segment, citons tout d’abord Millenium d’Élisabeth Arden.
Lancé en 1980, ce produit revendique clairement l’idée d’accélérer le renouvellement épidermique. Il proposait dans le même temps un test original permettant de visualiser cet effet. Ce test utilisait un marqueur fluorescent, le chlorure de Dansyle qui, en imprégnant le stratum cornéum, permet de mesurer son temps de renouvellement. L’idée était bien évidemment que la coloration, visible uniquement en lumière noire, disparaisse le plus rapidement possible. Ultérieurement des tests seront proposés à partir d’une Méthode à la DHA (Dihydroxyacétone). Toujours aux USA, les « Doctor brands » s’approprieront ce concept avec la gamme du Docteur Obagi qui initieront cette approche. En Europe, les marques attendent, les effets potentiellement irritants des AHAs les incitant à la prudence. Les produits de marque européennes seront introduits sur le marché en 1992. Parmi les toutes premières marques proposant quelque chose sur ce segment on note Chanel avec Day Lift. Bientôt de nouveaux AHA plus doux voient le jour. En greffant ces acides à une chaine grasse, la fonction acide est transitoirement bloquée, diminuant ainsi la pénétration tout en maintenant une activité d’exfoliation suffisante.
La voix enzymatique quand a elle consiste à utiliser des enzymes protéolytiques qui permettent d’avoir une action sur l’adhésion des cellules des cornéocytes entre eux, et qui après action, va permettre une élimination plus facile. Les principales substances utilisées sont la papaïne ou la bromélaïne, mais encore faut-il arriver à stabiliser correctement ces enzymes dans les excipients d’usage.
Enfin il existe une autre voie pour déclencher ce processus. Il s’agit de la voie biologique qui consiste à utiliser des substances permettant de déclencher le processus de renouvellement épidermique. Les activateurs biologiques ou biostimulants sont souvent dotés de cette propriété. Plusieurs substances ont été documenté comme améliorant le turnover épidermique. C’est le cas par exemple de Gatuline® Renew de Gattefossé. Cet actif anti-âge est extrait d’une plante d’origine asiatique, Cryptomeria japonica. Dans ses parties terminales en bourgeons, là où le métabolisme végétal culmine, se trouvent les métabolites primaires (sucres, acides aminés, …), haute source d’énergie et de nutrition pour revitaliser l’épiderme. Il contient également de nombreux métabolites secondaires, avec notamment une teneur garantie en polyphénols et en acide isopimarique.
Un concept proche a également été proposé il y a une vingtaine d’années par Sanofi qui consistait à utiliser des extraits d’une levure spécifique permettant de déclencher le renouvellement épidermique. Un produit portant ce concept a été proposé, Stimulogic, mais il n’a pas été couronné de succès. Ces produits préfiguraient déjà la vague de ce que l’on appellerait de nos jours les postbiotiques.
Des substances d’origine végétale peuvent également produire le même effet. Une récente publication LVMH relate une substance qui est susceptible de produire cet effet par un mode d’action original.
Plus récemment, on a vu apparaître des instruments permettant une action d’exfoliation plus ou moins totale sur le visage. Ces techniques sont décrites dans le récent ouvrage « Conception des produits Cosmétiques – Formulations Innovantes » coordonné par Vincent Faivre.
A partir de la page 248, on trouve une description des nouvelles techniques qui vont des brosses nettoyantes à la microdermabrasion en passant par l’utilisation des ultrasons.
Conclusions (à ce jour !!!)
Des produits pour pratiquer ces techniques ont existés sous différentes formes, que ce soit des produits anhydres, en particulier pour les produits à base d’enzyme, des poudres, des crèmes, des émulsions ou encore des lotions, comme par exemple la lotion de base de la gamme originelle Clinique. Ces dernières années, Clinique a vendu suffisamment de Lotion Clarifiante pour que, empilées les unes sur les autres, elles atteignent onze fois la hauteur de la Tour Eiffel. Une mention pour quelques produits quasiment disparus ou comme tel, comme les crèmes de gommage comme le Doux Peeling de Clarins, toujours au catalogue, ou quelques lotions gommantes qui ont malheureusement disparues.
Ne doutons pas que de nouvelles spécialités apparaîtront prochainement s’intéressant à ce processus de base. Comme toujours, il n’est jamais trop tard pour bien faire ou pour améliorer l’existant, quitte a reprendre l’existant.
Jean Claude LE JOLIFF
Pour en savoir plus : Références biblio Peeling
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