Le mercure est un métal aux multiples propriétés, mais en cosmétique il n’est pas le bienvenu, loin s’en faut. Bien qu’il ait été utilisé très longtemps, il est de nos jours interdit dans la majorité des pays. Sa toxicité explique cela. Pourtant 2 informations récentes remettent cet ingrédient sur le devant de la scène. Retour sur cette question
La première information concerne un fait rapporté dans la presse concernant un empoisonnement au mercure d’une femme ayant utilisé une crème éclaircissante au mercure. La seconde rapporte le fait que des distributeurs du « nouveau monde » ont dû retirer du marché certains produits vendus sur leurs plateformes suite à l’identification par une ONG de doses de mercure conséquentes dans ces produits. Pour terminer, je vous invite à consulter une des dernières informations concernant la procédure RAPEX concernant des produits contenant du mercure.
Pendant toute la période du mythe de la peau blanche, le mercure sera utilisé au même titre que certains autres métaux dès la fin du XVIe siècle. À cette époque, le mercure ou vif-argent entre dans la composition des produits de blanchiment de la peau sous deux formes chimiques principales. Tout d’abord le « sublimé » dans lequel le métal prend la forme d’une masse solide et blanche. Transformé en poudre on l’appellera le « sublimé corrosif ». Par le biais de la précipitation, c’est une autre forme de poudre blanche dénommée « sublimé purifié » ou « sublimé doux » ou encore calomel. Ces produits seront la base d’une substance généralement connue sous le nom de blanc d’Espagne. En effet, la mine européenne la plus riche au mercure se trouvant alors situé en Espagne. L’appellation de Blanc de Meudon était quelquefois utilisée également. Dans les produits blancs, il sera remplacé progressivement par des sels de Bismuth ou par la trop célèbre céruse, mais continuera malgré tout d’être utilisé sous différentes formes. Le fard rouge, le fameux fard à joues, sera l’autre façon d’utiliser les sels de mercure. Un grand nombre de fards étaient confectionné à partir de substances minérales et métalliques. Plusieurs substances seront au cœur des préparations : le cinabre, le vermillon qui sont des sulfures de mercure. Leur usage perdurera malgré l’utilisation de substances naturelles et végétales.
Les propriétés antiseptiques des dérivés de mercure seront également à l’origine d’autres utilisations. Au XXème siècle, l’utilisation de sels de mercure dans les produits cosmétiques répondait à différentes nécessités. Certains usages associés à la propreté microbiologique faisaient que des dérivés de mercure étaient intentionnellement ajoutés à certaines préparations comme le maquillage du contour de l’œil, pour garantir la stérilité. Cette pratique a été abandonné il y a quelques décennies. C’est le cas du Thiomersal ou mercurothiolate sodique. Cette molécule a été utilisé dans des préparations pharmaceutiques comme des antifongiques ou encore comme stabilisant dans des vaccins. Elle n’est plus utilisée en cosmétique. Mais cela peut expliquer que certains sels de mercure figurent encore dans des versions antérieures de l’inventaire des ingrédients cosmétiques. L’utilisation du mercure dans les produits de beauté se poursuivra principalement pour la confection de crèmes blanchissantes. Pendant des siècles, des crèmes et des onguents contenant des composés du mercure ont été utilisés pour traiter une grande variété de problèmes de peau, notamment la syphilis, l’impétigo, l’acné et les verrues. Les dermatologues du XIXe siècle l’ont également utilisé comme agent éclaircissant pour traiter les problèmes de pigmentation tels que les « taches hépatiques ». Minimiser les taches de rousseur était également une prescription. Il n’est donc pas surprenant que de nombreux cosmétiques et médicaments brevetés du XIXe siècle contenaient des formes de mercure.
Dans un article très bien documenté comme à son habitude, James Benett fait le point sur l’utilisation de ces composés. James rapporte que l’un des produits les plus courants de ce type était la « Mercolized wax » de Dearborn. Le nom «Mercolized Wax» n’était pas un terme chimique mais une marque déposée par la Dearborn Supply Company en 1911. Le mode d’action des sels de mercure a été caractérisée. Il consiste principalement en une inhibition irréversible de certains enzymes impliqués dans la mélanogénèse, en particulier la tyrosinase, associé à un léger effet exfoliant. Dès 1939 aux USA, des restrictions d’usage apparaitront, conduisant progressivement à l’interdiction totale en 1970. En Europe, l’interdiction des sels de mercure est datée également des années 70.
En Asie le catastrophique accident de Minamata a définitivement déclassé cet ingrédient. Dans ce cas, l’agent causal était le méthylmercure, encore trop souvent utilisé.
Donc depuis presque 50 ans, ces substances ne doivent plus être utilisé. Il reste toutefois des pays dans lesquels l’absence de réglementation ou le flou permanent, conduit certains fabricants indélicats à proposer ce type de préparation. Ceci est totalement irresponsable. Cette pratique ne doit toutefois pas être adressée à l’ensemble de la profession qui dans sa très grande majorité respecte scrupuleusement les contraintes règlementaires. L’incident concernant la distribution par e-commerce souligne toutefois une faiblesse de ce circuit de distribution, ou l’agilité, la réactivité, et l’optimisation fait que les distributeurs ne se sentent pas concerné par les problèmes de conformité réglementaire. Pourtant certaines dispositions réglementaires obligent les distributeurs a plus de vigilance. Le fait que des irresponsables continuent de développer des produits prohibés ne doit pas conduire à l’opprobre générale.
Merci de votre attention.
Jean Claude LE JOLIFF
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