Encore un terme qui semble avoir été inventé pour des raisons marketing. Il n’en est rien. Derrière tout ça une histoire de R&D originale. La voici.
La gemmothérapie :
La gemmothérapie est une branche de la phytothérapie qui utilise les tissus embryonnaires végétaux, et plus spécifiquement les bourgeons, afin de traiter certaines affections. Elle est connue depuis la nuit des temps. L’utilisation de bourgeons remonte au Moyen Âge, à l’ère des alchimistes, avec notamment la fabrication de sirops pour soigner les maladies respiratoires. On se servait des bourgeons du peuplier pour la confection d’un onguent et de ceux du sapin pour la fabrication de sirops à usage pectoral. A la même période, la célèbre abbesse Sainte Hildegarde de Bingen utilisa pour la première fois 8 bourgeons dans sa préparation de boissons thérapeutiques, les bourgeons de Pomme, Bouleau, Cassis, Châtaignier, Frêne, Tilleul, Églantier et Peuplier, comme le rapportent ses écrits dans son ouvrage, Le livre des subtilités des créatures divines. Mais ce n’est qu’au cours des années 1960 que le Dr Pol Henry (1918-1988), un médecin naturopathe belge, sur la base des résultats de son collègue Neihans qui travaillait sur les cellules embryonnaires d’origine animale, s’inspire de ces travaux pour jeter les bases de ce qu’il allait nommer la « phytoembryothérapie ».
Doc Pol Henry
Il étend cette méthode au règne végétal en étudiant systématiquement une série de bourgeons et de jeunes pousses. Au cours des années 1970, l’homéopathe Max Tétau rebaptise la « phytoembryothérapie » en « gemmothérapie », l’appellation maintenant reconnue et acceptée. La discipline ne change pas seulement de nom, mais intègre des principes qui la rapprochent des théories et des méthodes propres à l’homéopathie.
Du terme latin gemme, qui signifie à la fois bourgeon et pierre précieuse, la gemmothérapie utilise exclusivement les tissus embryonnaires frais des plantes, arbres et arbustes, c’est-à-dire les bourgeons, les jeunes pousses et les radicelles. « Gemme » est également à l’origine du mot « gemmule », qui définit la partie sommitale de l’embryon d’une graine : le germe.
Les bourgeons posséderaient certaines propriétés thérapeutiques supérieures à celles des diverses parties de la plante mature. Le bourgeon, étant un embryon, il porterait en lui le potentiel de développement de la plante, un peu comme s’il était à la fois les racines, les tiges, les feuilles, les fleurs et les fruits. Il en est de même avec le méristème dont Pol Henry pense qu’il contient tout l’énergie informative nécessaire au développement de l’arbre. Le bourgeon contient également de fortes concentrations d’éléments actifs comme des hormones, des oligo-éléments, des vitamines, des minéraux, etc.
Les adeptes de la gemmothérapie parlent de la « globalité » du bourgeon. Le tissu embryonnaire offrirait un spectre d’action beaucoup plus vaste que chacune des parties de la plante prises isolément. Par exemple, le bourgeon d’aubépine, une plante fréquemment utilisée en gemmothérapie, posséderait à la fois les propriétés du fruit (action sur le muscle cardiaque) et de la fleur (action sur le rythme cardiaque). Plus évocateur encore, le bourgeon de tilleul combinerait les vertus calmantes associées à la fleur de cet arbre, et les propriétés dépuratives et diurétiques de l’aubier, la partie tendre et blanchâtre qui se forme chaque année entre le bois dur et l’écorce. Toutefois, cette « globalité » ne doit pas être érigée en règle absolue. Le bourgeon ne présenterait pas toujours toutes les propriétés de la plante. La croissance peut également jouer un rôle important, sinon essentiel, dans l’acquisition de certaines propriétés. Par exemple, le bourgeon de la framboise ne possède pas la forte teneur en vitamine C du fruit mûr.
La gemmothérapie désigne donc, aujourd’hui, indistinctement, les techniques de la phytembryothérapie liée à la phytothérapie, ou celles avec dilution appartenant davantage à l’homéopathie. Toutefois, même si le savoir scientifique au sujet des vertus curatives des plantes s’enrichit constamment, la gemmothérapie n’a fait l’objet d’aucune publication scientifique d’envergure jusqu’à maintenant. En conséquence, on ne peut statuer avec certitude sur son efficacité et de ce point de vue peut être comparé à l’homéopathie. Ce n’est pas pour autant que son intérêt est nul, notamment dans le monde de la cosmétique où les notions d’efficacité ne se posent pas dans les mêmes termes que pour les approches thérapeutiques courantes. De plus c’est dans le domaine de la cosmétique que l ‘on trouve le plus d’évidences sur l’intérêt de ces préparations. Pour finir, ces approches font la synthèse créative actuelle la plus performante de l’approche végétal.
Macérat ou dilution ? Par la mise en macération de bourgeons et jeunes pousses dans trois solvants différents complémentaires (eau – alcool – glycérine), on peut extraire la « quintessence » sous forme de macérat. On retrouve ensuite deux façons quant à la préparation des produits de gemmothérapie. L’une privilégie l’utilisation de bourgeons sous forme d’extrait (macérat), alors que la seconde approche préconise une dilution préalable, de type homéopathique, qui s’appellera la forme 1D (pour dilution au 1/10).
L’industrie cosmétique dans tout ça ?
L’industrie cosmétique va s’intéresser à cette technique lorsque l’utilisation des extraits biologiques va commencer à être remise en cause suite à quelques problèmes majeurs, comme la BSE, le sang contaminé ou l’épidémie de sida. Jusque-là, à défaut de quelques substances bien définies comme les vitamines, il était d’usage d’utiliser des produits ayant des activités globales, et les extraits biologiques principalement d’animaux, accessoirement humain comme les extraits placentaires, étaient la règle la plus commune. Nous sommes dans les années 80. Dans le but de remplacer ces extraits biologiques, l’industrie cosmétique va chercher des groupes de substances ayant des propriétés, qui à défaut d’être analogues, seront au moins proches en reprenant les principes de fonctionnement. Assez rapidement, les experts vont pointer sur ces techniques qui reprennent l’idée du support de l’activité cellulaire ou de la croissance cellulaire. Les extraits de bourgeon seront des candidats répondant assez bien aux critères attendus. En 1984, Lionel de Benetti, alors Directeur R&D Clarins, intervient dans le cadre d’une conférence de la SFC sur l’utilisation des extraits de méristèmes. A la fin des années 80, le groupe Yves Rocher introduit une gamme, DERMALIA, à base de Meristel, un actif issu du méristème.
Parmi les fabricants qui vont s’intéresser prioritairement à cette technologie se trouve la société Gattefossé. Consciente que le positionnement de ses gammes d’actifs était trop dépendant du contexte de la biologie animale & humaine, la R&D va être orientée vers des questions intégrant beaucoup plus fortement l’origine végétale. En prenant appui sur des publications anciennes, des premiers extraits issus de bourgeons et de méristèmes seront préparés et tester comparativement aux spécialités d’origine biologique pour valider leur intérêt et les positionner en termes de niveau d’efficacité. Certaines variétés s’avèreront pertinentes, et vont rentrer dans le cycle de développement de nouveaux actifs cosmétiques.
Parallèlement à cela, sous l’égide d’Éric Brun, alors en charge du marketing cosmétique chez Gattefossé, le positionnement marketing a été travaillé, entre autres par la recherche d’un nom évocateur de cette nouvelle approche. Une première sélection débouchera sur le nom de Natuline, pour « ligne naturelle ». Ce qui ne sera pas utilisable compte-tenu du contexte de la propriété intellectuelle. Dans ce contexte, par un travail d’association et de sémantique, le nom Gatuline® va émerger, GAT pour Gattefossé, le ATU pour nATUre, LINE pour ligne de produits. La nouvelle famille était née.
Le premier membre de la famille sera le Gatuline®, pour « régénérante », ce qui est logique compte tenu du point de départ, qui deviendra rapidement RC pour « régénérante et conservée » pour garantir des conditions d’usage convenables. Cette spécialité vient du bourgeon du hêtre. L’origine de la biomasse est particulièrement travaillée, puisqu’il s’agira d’utiliser des bourgeons issus de forêts de hêtres situées dans une zone garantissant un niveau de pureté satisfaisant : les plateaux de l’Ardèche, en dehors des circuits classiques de pollution terre et air. Les arbres ne sont pas abattus pour obtenir les bourgeons, et les branchages traité le sont à la saison permettant le renouvellement de ceux ci dans les années qui suivent. Les concepts actuels de traçabilité, de niveau de pureté et de commerce équitable seront également respectés. Après plusieurs années de R&D, cette spécialité sera introduite sur le marché en 1992.
Depuis, la famille a fortement grandi puisque de nombreux descendants ont fait leur apparition. La gamme à ce jour se compose d’une série de spécialités définies comme étant des actifs objectivés, d’origine 100% végétale, testés cliniquement pour leurs propriétés biologiques. Toutefois, seule la Gatuline RC est extraite de bourgeons.
Beaucoup d’autres société propose des extraits de bourgeons ou encore de Méristème, comme par exemple la gamme de Cryobourgeons de la société Greentech, qui nous dit que les substances de croissance contenues dans les bourgeons leur confèrent des propriétés régénérantes. Ces substances agissent à très faibles concentrations sur la croissance et la différentiation cellulaire. Les deux substances majoritairement présentes dans les bourgeons sont les auxines et des cytokines. L’auxine naturelle est l’acide beta-indolylacétique ou AIA synthétisée à partir du tryptophane. Les cytokines naturelles ont pour squelette élémentaire une base purique adénine que l’on retrouve dans la molécule d’ADN. La société Provital quant à elle propose des extraits de clou de girofle ou de pin. PRODHYGEM® O2de la société Prodhyg propose quant à elle un extrait de bourgeons de cassis. Phenbiox propose un extrait de sève de vigne qui contient un mélange complexe de substances nutritionnelles telles que des sels minéraux, des acides aminés, des saccharides naturels, des polyphénols, des acides organiques et des auxines. C’est un nutriment cellulaire idéal qui réveille les bourgeons endormis. Afin de transférer efficacement la sève de vigne sans en altérer les propriétés, cette spécialité est présente dans des systèmes liposomaux.
Ce concept a tendance à se confondre avec celui de la PSCT, pour Plant Stem cells technology, dont on vous rappelle quelques fondements. Mais comme c’est souvent le cas, ce concept réapparaitra peut-être un jour sous un autre angle. Ce que l’on voit ou entend concernant les tissus végétaux en croissance et « l’urban farming » va dans ce sens. A suivre donc!
Merci de vous être intéressé à cette question.
Jean Claude LE JOLIFF
Merci pour cet article éclairé ! Vos cours me manqueront toujours ! Pour compléter votre proposition, Jan Dekker offre également plusieurs MP innovantes et COSMOS dans cette catégorie d’actifs avec les GemmoCalm et GemmoDrain.
Merci/