Chaque jour que dieu fait nous amène son lot de nouveautés que l’on nous présente invariablement comme des innovations radicales. Mais il n’en reste pas moins que le produit va rester encore longtemps au centre de la problématique. Et la question reste comment continuer à les faire?
Parmi les différentes tendances, quelques unes dominent les autres : la recherche de texture et ce que j’appelle la tambouille. Sur le second, la formulation ayant été mon métier pendant longtemps, je ne prendrais pas position si ce n’est que la formulation est un métier et croire ou faire croire que n’importe qui peut le faire ou que c’est un « passe temps » de loisir est d’un irrespect total. Sur le premier, on nous parle de façon récurrente d’Intelligence Artificielle et de robotique, avec la question sous-jacente qui est « est-ce que ca va tuer les métiers actuels? » Possible, je n’en sais rien, mais on peut peut-être raisonner autour de ça. Et de revenir sur une suggestion formulée il y a déjà pas mal de temps, et reprise intelligemment par quelques uns : la mise en avant du tour de main exceptionnel de certains.
D’un coté il y a ceux qui pensent que tout ça se résume à de la physicochimie bien comprise et bien exécutée. Mais la cuisine moléculaire a fait long feu. D’autres au talent individuel du touilleur de génie, et tout le monde les cherche. Au milieux de tout ça il y a une voie alternative dont on parle peu et qui consisterait à utiliser intelligemment les moyens de la technique moderne au service de gens de goût et de talent pour concevoir les choses de demain. C’est ce que suggérait la présentation intéressante de Zettafox lors de la journée dédiée à l’innovation organisé par Premium Beauty le 7 février dernier. Pour aller dans ce sens, je me permet de vous rappeler cette contribution datant maintenant un peu : Les maîtres queux de la formulation mais qui vaut mieux qu’une réflexion d’un vieillard tournant progressivement de respectable à énervant. Dans le même ordre d’idée vous pouvez visionner ce petit film qui reprend la même idée.
Enfin, signalons les expériences proposées par Givaudan et Symrise pour certaines dans dans le domaine de la parfumerie et mais qui sont des techniques tellement proches qu’il n’est pas nécessaire d’insister sur les similitudes.
Les jeunes générations ont la chance de voir s’ouvrir devant elles des options inattendues et excitantes, souhaitons qu’elles ne fassent pas le péché d’orgueil de les laisser passer.
Jean Claude LE JOLIFF
En parfumerie on parle aussi de « tour de main » ou de « savoir faire ». Il s’agit souvent d’une voie alternative de formulation, difficile à expliquer, mais qui donne toujours des résultats, grâce à l’expérience. Je pense que pour certains produits cosmétiques anciens, d’une composition assez simple avec un grand succès, il s’agit tout simplement d’un savoir faire de production. On peut l’expliquer aujourd’hui par les théories de l’émulsion ou de la dispersion. Je pense que certains formulateurs ont imaginé et ont produit des compositions bien avant le « décryptage » technique. Un exemple classique est la crème stéarate avec un haut pourcentage d’oxyde de zinc qui implique une double réaction et l’enrobage des particules par contrôle de la température. Pour d’autres produits (Rubinstein, Arden, Yardley, Lancôme) je suis certain qu’on peut parler d’une émulsion double / triple et probablement d’une structure lamellaire bien avant leur description. La formulation agit sur l’efficacité et sur la texture. La plus importante c’est l’efficacité. Quand on en trop jeune, la texture, le plaisir immédiat et l’accroche pseudo-scientifique marketing des matières nouvelles dominent puisque le teint est parfait. Avec le temps, tout devient plus clair, on cherche autre chose.
Au niveau de la formulation il y a toujours de solutions établies dans le passé. C’est la solution d’un problème technique pour une liste d’ingrédients avec un but bien précis. Souvent, on a l’impression d’une composition nouvelle, mais il s’agit tout simplement d’une variation d’une forme établie avec un élément clé. La transmission du savoir faire est difficile.Il est aussi très difficile de se rendre compte que le produit n’a rien de nouveau. Parfois, l’étude systématique des ingrédients conduit a des surprises.
Le « tour de main » c’est quoi finalement par rapport à l’Intelligence artificielle? C’est un « je ne sais quoi » qui garantit le caractère unique. Il y a trop de marques, trop de produits. Beaucoup plus pour tester et choisir. Ils changent aussi trop vite.
Merci pour ce commentaire.
Je suis tout à fait d’accord avec vous, la formulation reste un exercice difficile et éventuellement complexe. Il ne s’agit pas uniquement de gérer des paramètres organoleptiques ou physico-chimiques. Il y a une dimension supplémentaire qui est celle de la formulation des produits de maquillage dans lequel l’approche globale est souvent assez compliquée, et l’anticipation des problèmes de fabrication tout autant compliqué.
L’IA permettra peut-être d’approcher ces questions de façon plus organisée, mais l’expérience sera toujours de mise.
Je suis à votre disposition pour en parler.
Cordialement.