La recherche spatiale a-t-elle permis à la beauté de progresser? Oui, Voyez comment.
Alors que l’on entend parler de plus en plus souvent d’une reprise de la conquête spatiale avec des voyages de plusieurs mois voire même de plusieurs années dans l’espace à destination de Mars, il peut-être amusant de se rappeler que la peau, ou plus précisément la beauté et l’espace ont déjà été mis en relation, de façon plus ou moins formelle. Un petit rappel de ce qui a été fait.
- Parmi les différentes contributions, citons en premier le rôle de la NASA pour le développement de la technique de photomodulation. C’est à la conquête spatiale que nous devons cette photomodulation qui est devenue emblématique des technologies esthétiques douces. Tout commence quand la NASA découvre que les plaies cicatrisent difficilement en apesanteur. L’agence spatiale va alors investiguer plusieurs solutions pour trouver des moyens permettant d’améliorer cette question. Une technique en cours de développement va leur apporter une réponse. Cette technologie repose sur la LLLT (Low Level Laser Therapy). Certains travaux rapportent à l’époque l’obtention de résultats significatifs d’accélération de guérison de plaies en orbite ou du traitement des blessures infligées à l’équipage de sous-marin. Dans ce domaine, les premiers brevets datent de 1965. Pour en savoir plus
- Dans la période de conquête initiale des années 60, rappelons que Niel Armstrong a mis le pied sur la lune fraîchement rasé. Ceci pourrait paraître insensé dans la mesure où il n’était pas question qu’il y ait la moindre poussière ou des particules en suspension dans le compartiment lunaire. Lors de l’atterrissage sur la lune en 1969, les Américains ravis ont annoncé au monde entier comment leur incroyable collection de gadgets de l’ère spatiale leur avait permis de battre les Russes et d’inscrire cet exploit dans l’histoire. L’un des principaux accessoires à bord d’Apollo 11 était en réalité néerlandais. Juste avant le décollage, les scientifiques de Philips avaient discrètement confié à la NASA leur toute dernière invention : le rasoir MoonShaver à double rotation. Capable d’aspirer les poils rasés qui, en apesanteur, auraient flotté dans l’air, il a été conçu pour protéger les yeux des astronautes en plus de prendre soin de leur apparence. Armstrong a ainsi pu fouler le sol lunaire parfaitement rasé ! Mes amis de l’association « les Rasophyles » m’ont permis de savoir que les soviétiques avaient également pris un peu d’avance avec un rasoir baptisé « Spoutnik ». Le СПУТНИК (Spoutnik) était fabriqué à Stalingrad. Sa taille est similaire aux rasoirs mécaniques du moment, mais sa ligne est plus épurée. Comme pour les autres, il dispose d’une clé de remontage et d’une molette de marche arrêt sur le côté. Compte-tenu du laps de temps très bref du vol inaugural, il est probable que Gagarine n’a pas eu à s’en servir.
- En 1978, la Nasa décide de créer une trousse de maquillage pour ses astronautes. Mais ce sont des ingénieurs hommes, plus habitués aux calculs arides et aux modèles mathématiques, qui prendront en charge ce développement. Voyons comment ces ingénieurs ont tenté d’établir un dialogue avec une espèce extraterrestre totalement mystérieuse à leurs yeux : les femmes.
Le kit de maquillage de la Nasa de 1978 | ©Smithsonians National Air and Space Museum
- Et la peau dans tout ça ? Est-ce que l’industrie cosmétique s’est déjà intéressée à cette question autrement que par des accessoires ? la réponse est oui. Dans les années 80, Pierre Fodor, alors responsable R&D de la marque Helena Rubinstein, va s’intéresser à une question encore peu étudiée : quel est le comportement de certaines structures cristallines en apesanteur. Certains chercheurs, comme Henri Rodot, s’étaient intéressés à ces questions et prédisaient que les nouveaux outils à venir, Spacelab ou Soyouz allaient permettre l’exploitation de la microgravité́ comme nouveau moyen d’expérimentation dans différents domaines scientifiques, en particulier en Physique des Fluides et en Sciences des Matériaux. Pierre Fodor raconte : « l’objectif de cette expérience était assez modeste, mais en même temps, plus vaste pour la compréhension de notre travail de « cosmétologue » : tenter de comprendre le comportement des matières premières, les unes entre elles, en phase d’apesanteur. Et plus précisément, savoir si les tensions de surface sont modifiées, dans certaines conditions ? Exemple simple : L’eau et l’huile deviennent –ils miscibles et si oui, combien de temps ces solutions restent-elles stables. L’idée était d’établir un début de dictionnaire des différentes associations d’ingrédients et peut-être ainsi, selon les résultats envisagés, d’utiliser le moins possible de tensioactifs, tout en préservant la stabilité des formules. Je trouvais que ce projet était ambitieux et se suffisait à lui-même. Il m’intéressait aussi de comprendre, peut-être à travers cette étude, voire d’autres études complémentaires, quel était le devenir des formules cosmétiques, une fois appliquées sur la peau …Quelles sont celles qui pénètrent ? pourquoi certaines pénètrent mieux, voire plus en profondeur que d’autres ». De façon très pionnière, et avec les moyens disponibles, Pierre Fodor va entreprendre un programme de recherche en collaboration avec Patrick Baudry le spationaute français. Les premières expérimentations seront réalisées avec le concours de la NASA, puis au centre d’étude spatiale de l’ESA à Toulouse. Ces études très préliminaires n’aboutiront que sur des conclusions partielles et rien ne permet à date de penser que les crèmes seront fabriquées dans l’espace prochainement. Mais comme en cosmétique tout fini par des produits, ce travail initiera un produit qui reprendra en partie la logique de ce travail. C’est ainsi qu’en 1988, la marque lance une crème anti-temps : Intercell™. Ce produit sera mis au point en se basant en partie sur les travaux d’un laboratoire belge travaillant sur le comportement de fibroblastes en apesanteur. Au terme d’une étude originale, ces chercheurs ont montré que la mise en apesanteur de fibroblastes inhibait certaines fonctions comparativement au comportement des fibroblastes au niveau de la mer. Cet effet sera attribué à un effet sur la communication cellulaire, ce qui reste à démontrer formellement à ce jour, mais l’intention était louable, car originale et novatrice. Une recherche de principe actif pour contrecarrer cet effet permettra de caractériser un actif qui selon la marque permettrait : « L’émergence d’un véritable principe anti-temps bouleversant la lutte contre le vieillissement : il rétablit la communication cellulaire. Un nouvel actif, le « Transglycanes » permet de redonner aux cellules leurs antennes biologiques. Faculté de communication rétablie, capacité d’adaptation aux besoins retrouvée…la peau peut réassumer les fonctions d’une peau jeune. Elle se sent revivre, et le montre : le visage affiche avec éclat une nouvelle jeunesse ». Ainsi était née la première crème issue de l’espace ! Certains de ces travaux seront repris sans suite côté russe.
Helena Rubinstein – Catherine Jazdzewski Paris : Assouline, 2002
- La conquête spatiale permettra également le développement de ce qui aurait pu devenir le « cold cream du 3ème millénaire ». L’histoire commence en 2000 à Los Angeles et son point de départ est… la chaleur. Car dans cette région du globe, il fait chaud et l’homme à l’origine du projet, doit se contenter d’une boisson tiède. Un ingénieur astucieux rêve alors de concevoir une canette qui rafraichit son contenu. Après un détour par l’Agence Spatiale Européenne, il crée la sociétés Thermagen pour abriter sa technologie, le « High Speed Cooling Effect ». Sans doute trop complexe pour être parfaitement comprise et trop dispendieuse pour être rentabilisée par l’industrie alimentaire, son invention est accueillie… froidement. Pourtant, le système fonctionne, la boisson est rafraichie 70 fois plus rapidement qu’avec un réfrigérateur, sans aucun apport extérieur d’énergie, sans substance chimique. La démonstration est d’ailleurs faite sur les pistes du Paris- Dakar 2001. C’est cette technologie qui va présider à la mise au point de ICE SOURCE, une crème de beauté » particulièrement originale. Je vous invite à relire cette contribution sur ce produit issu des technologies spatiale.
- Quant aux effets des séjours prolongés sur la peau dans l’espace, les connaissances sont plus récentes puisqu’il aura fallu attendre de longs séjours dans les modules spatiaux pour pouvoir appréhender ces phénomènes. On sait globalement que le séjour prolongé en apesanteur accélère le vieillissement à différents niveaux et plus particulièrement au niveau cellulaire. Ainsi, le fameux paradoxe des jumeaux, énoncé par Paul Langevin il y a un siècle maintenant et qui consiste à dire selon les règles de la relativité restreinte qu’un jumeau envoyé dans l’espace à une vitesse proche de celle de la lumière vieillirait moins vite que son frère resté sur Terre ne sera pas vérifié ! Il se pourrait finalement qu’il trouve ses limites dans la biologie. Peau Microgravité.
Ce bref inventaire des aventures liant déjà la beauté et l’espace ne se veut pas être exhaustif. Il sera à compléter et mis à jour au fur et à mesure des avancées. Mais en attendant un prochain rendez-vous sur Mars, je vous souhaite une bonne lecture.
Rédigé par Jean Claude LE JOLIFF
Pour en savoir plus :
- 1962-1992. Trente ans de journalisme beauté ou mes trente glorieuses de la beauté. Nadine Corbasson – Editions Publibook, s. d.
- « Après un an dans l’espace, le corps de l’astronaute Scott Kelly a beaucoup changé ». Gentside Découverte, 3 juin 2016. http://www.maxisciences.com/astronaute/apres-un-an-dans-l-039-espace-le-corps-de-l-039-astronaute-scott-kelly-a-beaucoup-change_art38041.html.
- « Comment l’espace accélère le processus du vieillissement humain ? » GuruMeditation(blog), 6 novembre 2013. http://www.gurumed.org/2013/11/06/comment-lespace-acclre-le-processus-du-vieillissement-humain/.
- « Du maquillage pour les femmes astronautes, l’attention louable mais maladroite de la Nasa ». Slate.fr, 29 avril 2018. http://www.slate.fr/story/161023/espace-nasa-trousse-maquillage-femmes-astronautes.
- « Espace : altérations de la peau des souris ». Consulté le 30 avril 2018. http://www.reflexions.uliege.be/cms/c_398917/fr/espace-alterations-de-la-peau-des-souris?part=2.
- « Les voyages spatiaux accélèrent le vieillissement cellulaire ». https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/biologie-voyages-spatiaux-accelerent-vieillissement-cellulaire-49990/.
- « La microgravité modifie la physiologie de la peau ainsi que le cycle de croissance des poils chez la souris ». http://www.giga.uliege.be/cms/c_19380/fr/la-microgravite-modifie-la-physiologie-de-la-peau-ainsi-que-le-cycle-de-croissance-des-poils-chez-la-souris.
- Rodot, H. « LA MICROGRAVITÉ, MOYEN D’ÉTUDE DES FLUIDES ET DES CRISTAUX ». Journal de Physique Colloques39, noC2 (1978): C2-128-C2-129. https://doi.org/10.1051/jphyscol:1978224.
- Helena Rubinstein – Catherine Jazdzewski Paris : Assouline, 2002
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